AFP : Cantet annonce un film pour "donner la parole aux sans-papiers"

PARIS — Un collectif de 350 cinéastes va tourner un film pour "donner la parole aux sans-papiers" a annoncé jeudi le réalisateur Laurent Cantet, lors d’un rassemblement à Paris devant un immeuble de travailleurs sans papiers en grève pour leur régularisation.

"On a décidé d’aller tourner sur les piquets de grève à partir de la semaine prochaine. Il y a des centaines de milliers de personnes employées au noir, c’est à eux qu’on veut donner la parole", a révélé à l’AFP Laurent Cantet, Palme d’or à Cannes en 2008 pour "Entre les murs".

Le cinéaste est venu jeudi avec d’autres personnalités comme l’eurodéputé Harlem Désir (PS), le président du syndicat de médecins urgentistes (Amuf) Patrick Pelloux, d’artistes et de nombreux militants de partis de gauche, associatifs, syndicaux, rue du Regard (VIe arrondissement), pour tenter d’empêcher l’expulsion des sans papiers.

Massés devant les locaux du Fonds d’assurance formation des salariés de l’artisanat du BTP (FAF-SAB), occupés depuis le 15 décembre 2009, une bonne centaine de militants sont venus prêter main forte aux quelque 250 sans-papiers, dont le tribunal de grande instance de Paris avait donné jusqu’à mercredi pour évacuer les lieux.

"On a déjà fait un film de trois minutes juste avant les présidentielles, qui s’appelait "laissez nous grandir ici" et qui parlait d’enfants d’hommes et de femmes sans-papiers menacés d ?expulsion. On veut reproduire cette expérience. Le film s’appellera "Laissez-nous travailler ici", a expliqué le réalisateur.

Le film sera diffusé dans 500 salles et sortira juste avant le premier tour des élections régionales. Le collectif rassemble des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel en soutien au Réseau éducation sans frontières (RESF) et à tous les "sans-papiers" de France.

Depuis le lancement du premier film "Laissez-les grandir", une pétition mise en ligneet diffusée par RESF a recueilli 116.571 signatures.

Le cinéaste Laurent Cantet participe à un rassemblement devant un immeuble de travailleurs sans papiers en grève pour leur régularisation, à Paris le 4 février 2010

 


Voir aussi :

 

  • "Nous apparaissons au grand jour", du Collectif des cinéastes pour les sans papiers
    lundi 21 avril 2008
Il y a 11 ans, le collectif des cinéastes pour les sans papiers, connus récemment pour leur second film "Laissez-les grandir ici", sortaient un "très court".

Comme le disait très bien Pierre Cordelier il y a un an lors de la présentation de "Laissez-les grandir ici !" à l’Hotel de Ville de Paris :

« Il y a 10 ans.
Un film interpellait le pays.
Un film réalisé par un collectif de cinéastes.
À l’écran, Madjiguène Cissé, seule,
pour dire en quelques phrases
le drame vécu par les sans papiers,
le dire avec des mots simples et vrais :
 travail, peine, titre de séjour, police, peur, contrôles au faciés, arbitraire, humiliation, souffrance, rétention, prison... expulsion ou régularisation.

Elle terminait ainsi :

"Nous ne sommes pas des clandestins, nous apparaissons au grand jour".

Madjiguène, belle, grave, disait la dignité des sans papiers, la dignité de leur combat. »

(...)

Nous, sans-papiers de France, nous déclarons :
Nous vivons parmi vous, pour la plupart, depuis des années
Nous sommes, en général, entrés régulièrement sur le territoire français
Nous avons été arbitrairement rejetés dans l’illégalité
par le durcissement de lois successives
Qui permettaient aux préfectures de ne plus renouveler nos titres de séjour
et par des restrictions apportées au droit d’asile.
Nous sommes parfois des célibataires qui permettons souvent à nos familles de survivre au pays,
mais nous vivons fréquemment aussi avec nos conjoints et nos enfants nés en France
ou venus tout petits.
Nous avons en France nos familles, et aussi nos amis.
Nous payons nos impôts, nos loyers, nos charges, et nos cotisations sociales
lorsqu’on nous permet de travailler régulièrement
Quand nous ne connaissons pas le chômage, et -la précarité,
nous travaillons durement dans la confection, la maroquinerie, le bâtiment, la restauration, le nettoyage et bien d’autres secteurs.
Nous subissons les conditions de travail que nous imposent les entreprises,
et que vous pouvez refuser plus facilement que nous :
Car être sans papier fait de nous des sans droits.
Nous demandons des papiers pour ne plus être victime de l’arbitraire des administrations,
des employeurs, des propriétaires.
Nous demandons des papiers pour ne plus être exposés à la délation et au chantage,
Nous demandons des papiers pour ne plus subir l’humiliation des contrôles "au faciès", des mises en "rétention", des "reconduites à la frontière",
L’éclatement de nos familles, la peur perpétuelle.
Le premier ministre de la France avait promis que les familles ne seraient pas séparées,
Nous demandons que cette promesse soit enfin tenue.
Nous demandons que les conventions européennes et internationales auxquelles a souscrit la république française soient respectées.
La France doit rester la patrie des droits de l’homme.
Nous comptons sur le soutien d’un grand nombre de français
dont les libertés pourraient se trouver menacées si nos droits continuaient d’être ignorés.
Les exemples de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal, et à plusieurs reprises de la France même,
démontrent qu’une régularisation globale est tout à fait possible.
Nous demandons notre régularisation,
Nous ne sommes pas des clandestins,
Nous apparaissons au grand jour.

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