« Journal d’un demandeur d’asile », par Antoine Manson-Vigou

Demander l’asile, quelle idée ! Peut-on imaginer l’humiliation et la déshumanisation que notre protagoniste va endurer, et ce dès les premiers instants de la procédure ? Ce journal relate avec précision les démarches, les interrogatoires, la vie de prisonnier et la libération "sans filet" de l’auteur. Il témoingne pour tous de l’envers du décor des sociétés d’opulence.

 
Antoine Manson-Vigou

Ecrire l’Afrique

ROMANS, NOUVELLES TÉMOIGNAGES EUROPE France 


 


ISBN : 978-2-296-56029-1 • mars 2012 • 246 pages

Prix éditeur : 24,5 € 23,28 €

 Ce qu’en dit "Témoignage Chrétien"

Au nom de tous les siens

Dans son Journal d’un demandeur d’asile, Antoine Manson-Vigou témoigne de son expérience d’immigré devenu sans-papiers, et en particulier de son passage en centre de rétention.

C’est l’histoire d’un corps fouillé, incarcéré, menotté, transféré, jugé, ballotté, que nous raconte Antoine Manson-Vi­gou. Nous suivons d’abord par le corps sa demande d’asile, son passage en rétention puis en prison psychiatrique, pour s’arrêter au bord d’une libération qui n’en est pas une. L’auteur a été, com­me de nom­breux demandeurs d’asi­le, em­pri­sonné plus d’un an sans avoir commis aucun dél­it.

En rétention, c’est un combat entre le narrateur, de plus en plus fragilisé mais refusant d’abdiquer son huma­nité, et la machine administrative. Le scénario de fabrique des sans-papiers prend forme sous nos yeux. On ne sait pas qui est ami ou ennemi, ni de quoi demain sera fait, on passe de rumeurs en transferts vers le jugement d’un tribunal sans visage. ­Antoine Manson-Vigou, en nous livrant ce témoignage « sans filets », nous fait changer de peau. Entretien.

TC : Pourquoi, plusieurs années après les faits, avoir écrit ce livre ?

Antoine Manson-Vigou  : Des dizaines de mois après ma sortie d’un centre de rétention, je ne pouvais pas réfléchir ni prendre soin de moi. J’avais toujours en tête le programme précis de mes journées au centre de rétention. Je souffrais énormément. Mon esprit n’était pas libéré, même si ma chair avait quitté le centre, j’étais scindé ; il fallait que je me libère une seconde fois. En écrivant, j’ai aussi pensé au caractère « utile » du livre : il sert à informer ; ensuite à plaider notre cause, à prévenir. Peut-être à faire changer les choses.

En ouvrant le livre, on ne sait pas exactement où l’on est. Pourquoi ce langage parfois très imagé ou allusif au milieu de descriptions si précises ?

Certains lecteurs trouveront que le ton du livre est dur. Pourtant, il n’est pas si dur par rapport à ce que nous avons vécu et à ce que nous ressentons encore. Plusieurs parties du manuscrit ne figurent pas dans le livre parce que je n’ai pas trouvé les mots qui devaient exprimer notre état d’âme. Au début de la rédaction, je ne voulais pas situer le récit dans le temps et dans l’espace, parce que certains lecteurs auraient pu ne retenir que cette période et ce pays alors que partout dans l’espace Schengen les gens souffrent en rétention.

Vous êtes toujours « sans-papiers » aujourd’hui. Est-ce que ce livre a changé quelque chose pour vous ?

Ce livre m’a donné une petite liberté. Avant sa sortie, je vivais plus caché. Actuellement, je rencontre du monde, mais je continue de bien regarder où je pose les pieds. Certains lecteurs me posent cette question : « Même après avoir écrit un livre si important vous êtes toujours sans-pa­piers ? »

Journal d’un demandeur d’asile, Antoine Manson- Vigou, L’Harmattan, 243 p., 24,50 €

Extrait

« Mardi 17 octobre.
 Avancez, posez votre sac là, mettez les bras contre le mur et écartez les jambes sans vous retourner. »

Cinq minutes plus tôt, je suis entré dans ce commissariat pour demander l’asile. Je m’étais adressé à l’accueil où se tenait une femme, aussi jeune que les autres policiers assis tout près de la fenêtre en train de discuter. Elle s’était avancée jusqu’à ses collègues. Trois d’entre eux s’étaient levés tout en me regardant. Après un bref salut, ils m’invitaient à les suivre dans une petite cellule.

J’ai un policier à ma gauche, un autre à ma droite, et un troisième me palpe du cou jusqu’aux chevilles, puis, se relevant, il m’ordonne de me déshabiller […] L’un d’eux prend le vêtement, le fouille, le scrute, le froisse et le passe à son collègue. Qui continue le même processus que son collègue précédent. N’ayant plus de vêtement sur le corps, ils me demandent d’ouvrir la bouche, de leur présenter mes dents, ma langue, le dessous, le dessus, la poitrine, les bras, le ventre, les pieds et leur plante. Ils scrutent tout mon corps. Je suis en train de subir une humiliation. »

 

 

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