"Jusque dans nos bras", d’Alice Zeniter

L’auteur dit s’être beaucoup inspirée, pour son roman, du contenu du site de RESF.

Alice Zeniter

Jusque dans nos bras

Albin Michel

238 pages, 16 euros

L’opinion d’Afrik.com :

Mad, le Malien, et Alice sont les meilleurs amis du monde. Ils se connaissent depuis l’enfance et ont milité pour toutes les causes qui révoltaient les jeunes qu’ils sont dans une époque troublée, celle qui a connu la guerre en Irak ou le 21 avril en France, et vit avec Facebook. Epuisé par la tension psychologique qui est la sienne quand il va renouveler ses papiers depuis qu’il est en âge de faire des études supérieures mais que son temps est encore consacré à des petits boulots en attendant qu’il se décide, Mad demande à Alice, la Française de l’épouser. La jeune métisse algéro-française accepte de sauter le pas par amitié et par militantisme aussi. Alors qu’elle va contracter ce mariage blanc, Alice revient sur sa version de l’histoire du racisme qui l’a conduite à prendre une telle décision. Alice Zeniter, au travers de son double littéraire, raconte le luxe que s’offre une « petite française », dit-elle, qui veut devenir « Super-Bougnoule », peut-on lire, en réaction à ce racisme. Dans son second livre Jusque dans nos bras, publié chez Albin Michel, Alice Zeniter dénonce une politique migratoire qui oblige des individus, parfois très jeunes comme ses héros, à prendre des décisions qui vont bouleverser à jamais leur existence. Le ton, parce qu’il est celui d’adolescents ou de jeunes adultes encore plongés dans les brumes de l’enfance, est frais et plein d’humour, sans jamais pénaliser la force du propos. Les personnages de cette autofiction sont d’une véracité qui fait souvent écho. Comme le père algérien d’Alice qui est furieux de voir sa fille s’engager dans cette aventure et auquel celle-ci reproche son manque de compréhension. Devrait-il donner ses trois filles en mariage pour permettre à tous les immigrés d’avoir la nationalité française, sous prétexte qu’il en est lui-même un, interroge le père ? Source de débat intérieur, Jusque dans nos bras, c’est aussi un style affirmé où le lecteur est souvent, à l’instar de ses meilleurs amis, le confident de l’héroïne. Et Alice Zeniter, avoue avoir fait une « dédicace » à ses auteurs du monoloqgue intérieur, comme Faulkner, dans une mémorable demande de mariage. Le point de vue, la spontanéité qui parcourt la narration renforce la dimension politique d’une œuvre construite sans manichéisme. Il n’y a « pas que des chevaliers du mal à la préfecture », souligne Alice Zeniter. La pertinence de son récit est d’ailleurs également dans cette nuance.

 

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