"L’ARRIVÉE DE MON PÈRE EN FRANCE", Martine Storti

Les misérables du XXI ème siècle !

Les gueux, les errants, les misérables, devenus indésirables sont parqués et refoulés dans des conditions sanitaires et sociales déplorables. Comme l’écrit l’auteure de ce livre de témoignages et de réflexions : ces misérables, immigrés, réfugiés, clandestins n’ont pas encore trouvé leur Victor Hugo !

Les bonnes âmes continueront à verser leur obole symbolique- déductible des impôts- en fermant les yeux devant cette chasse aux sans papier et cet enfermement inhumain dans des camps de transit, le tout organisé par des gouvernements qui se réclament des droits de l’homme !

Pour ne pas se salir les mains, les états « modernes » délèguent à des pays tampons ou de transit, une fonction de police des frontières... Grâce au travail de certaines ONG, on peut avoir «  quelques précisions sur les camps installés en Libye, en Algérie, en Mauritanie, sur la sous-traitance de la chasse aux émigrés, sur le rôle de gendarme que les riches font jouer aux pauvres à l’égard d’entre plus pauvres »...

Comment cela est-il possible ?

Première, deuxième, troisième génération... Nous sommes tous des enfants d’immigrés ! Au-delà du slogan scandé dans des manifestations, il s’agit là d’une réalité souvent oubliée par beaucoup de décideurs. L’auteure, elle, n’oublie pas... Dans une recherche généalogique, elle nous fait découvrir son père, ouvrier italien, réfugié en France au début des années 30. Cette investigation est difficile, d’autant plus que son père, ouvrier était peu disert sur sa vie et l’envie de chercher ses racines arrive souvent fort tard au moment où il reste peu d’acteurs encore vivants. Sa recherche nous permet de ré-ouvrir des pages peu glorieuses de notre histoire. C’est un gouvernement qui se réclame encore de la démocratie qui déclare comme « sujets ennemis » tous les ressortissants allemands... le décret Daladier ordonnant leur rassemblement dans des « centres spéciaux »....

C’était hier, la situation a changé... On ne peut ni tout mélanger, ni banaliser de fait, par ricochets, certes, mais « est-il possible de ne pas constater la similitude des termes utilisés, des précautions à prendre, des excuses avancées, des alibis brandis, des mesures décidées ?  »

La nouvelle loi sur l’immigration impose un « test linguistique », c’est plus qu’un retour en arrière : ni la grand-mère de Martine Storti, ni son propre père ne parlait français lors de leur entrée dans l’hexagone... «  Les mots ont leur histoire et renvoient à l’Histoire. Dans les années trente, la plupart des juifs qui cherchaient à quitter l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne ne possédaient pas un mot de français. »

Martine Storti nous propose dans un style alerte et une écriture fine un voyage émouvant dans le passé et le présent...

Elle nous invite à la réflexion et aussi à la révolte légitime devant un système qui conduit l’histoire à balbutier !

Jean-François CHALOT

 


Octobre 2008 Ed Michel de Maule

A Calais, ceux qui veulent, par tous les moyens, passer en Angleterre, le répètent : « on a un oncle, un frère, un père là-bas, c’est pour les rejoindre qu’on veut y aller... » Vrai ou faux, c’est ce qu’ils affirment, croyant ainsi faciliter leur départ. C’est parce qu’elle n’a cessé d’entendre cela, un jour qu’elle est allée à Calais se rendre compte de cette « invasion » par les étrangers dont on nous parle sans cesse, que la narratrice se demande si Matteo, a lui aussi répondu, au début des années trente, quand il a franchi la frontière italienne : « j’ai une sœur et un beau-frère là-bas, installés en France, je vais les rejoindre. »

Au fond la narratrice n’en sait rien. Et c’est parce qu’elle ignore la manière dont il a quitté l’Italie et pourquoi, qu’elle se met à imaginer cette arrivée en France de Matteo, soit celui qui allait, des années plus tard, devenir son père.

Ce récit chemine dans des temporalités différentes, présent et passé (avant-guerre, seconde guerre mondiale, années cinquante), dans l’immigration actuelle, avec la manière dont sont traités, à Calais, à Lampedusa, aux îles Canaries, ceux qui arrivent puis errent en Europe, et dans la vie française de l’ouvrier italien Matteo, du début des années trente à sa mort dans les années soixante-dix. Matteo resté italien et resté ouvrier en banlieue parisienne, mais dans l’usine de sa sœur et de son beau-frère...

Une histoire aussi d’exploitation, d’ingratitude et d’humiliation, avec des trouées de soleil et de bonheur, la rencontre avec Thérèse, le plaisir de la danse, les vacances en Bretagne...Ce faisant, ce texte est une méditation sur l’exil, l’identité, la mémoire et la transmission, le jeu social, le courage et la lâcheté, les camps d’hier et ceux d’aujourd’hui, la conjugaison de l’histoire singulière et de l’Histoire.

En librairie fin octobre. 20 Euros

Éditions Michel de Maule • 41, rue de Richelieu • 75001 Paris

Tél. : 01 42 97 93 56/48 •Fax : 01 42 97 94 90 • Distribution SODIS

martine.storti@wanadoo.fr site internet : http://www.martine-storti.fr/

Née juste après la guerre, Martine Storti a été étudiante à la
_ Sorbonne, professeur de philosophie, journaliste, membre de cabinets
_ ministériels puis inspectrice générale de l"éducation nationale.
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