ISBN : 978-2-84761-862-8
Format : 13 X 27 cm | 160 pages | 18 €
Cet ouvrage recueille les propos de Mamadou Diagne, Magassa Mahamadou, Fodé Savane et Mohammed Sokona, résidents des « foyers de travailleurs migrants » et dirigeants de collectifs d’ouvriers sans papiers où ils se sont fait remarqués par leurs personnalités saillantes.
Dans cette enquête, une question a lancé les discussions : l’auteur désirait connaître les raisons qui avaient conduit chacun à venir vivre et travailler en France. Qu’elle était la part des déterminations propres ? Qu’elle était la part des circonstances ?
En posant cette question, nous pouvions peut-être éviter de nous faire happer par toutes sortes de représentations, pesant de tout leur poids sur ce que l’on appelle « l’immigration ».
Au cours des enregistrements effectués, un mot récurrent : « l’aventure ». Il revient sans cesse, traverse les paroles de Mamadou, Magassa, Fodé et Mohammed. Il évoque cette longue trajectoire du pays d’origine à l’un des nombreux foyers de Paris ou de la région parisienne.
« Nous voulons sortir dehors, circuler librement, respirer l’air comme tout le monde ! Cette phrase est extraite d’un tract de l’un des collectifs des ouvriers sans-papiers des foyers, invitant tous les résidents à rejoindre les premières manifestations publiques. La formule se répétait, fusait comme un mot d’ordre, écho à un pressant besoin de dire. Pour beaucoup de résidents sans-papiers des foyers, les manifestations furent l’occasion pour la première fois de circuler dans les rues de Paris, en dehors des heures matinales et du chemin périlleux qui mène chaque jour du foyer au travail. Marcher, libre de ses pas, sans la crainte permanente d’un contrôle qui pèse sur les épaules. Ainsi, les manifestations autorisées par les Préfectures permirent à un grand nombre de gens de découvrir la ville, où ils vivaient et travaillaient parfois depuis de nombreuses années. République, Châtelet, Denfert-Rochereau, ces mots n’étaient plus ces points abstraits d’un plan de métro, des stations de correspondance à éviter, mais les lieux d’un rendez-vous public.
Au cours de ces manifestations, les artères de la ville seront traversées par une grande et singulière énergie : l’enthousiasme des premières mobilisations se manifeste jusque dans l’indiscipline des corps, qui souvent débordent du cortège. Au coude à coude marchent anciens et jeunes hommes, ces derniers âgés parfois d’à peine 16 ans. Au fur et à mesure de la marche, le cortège s’épaissit, des femmes et des gens du quartier rejoignent le cortège.
La parole n’est plus contenue, ici personne n’est plus contraint au silence. Le corps n’est plus ramassé et replié sur lui-même. Toutes les pensées accumulées et ressassées au cours des années dans le périmètre étroit de la chambre du foyer, peuvent enfin « sortir dehors ». Premiers tracts distribués sur la chaussée, premières prises de paroles. Moment suspensif où un « ancien » s’expose pour la première fois aux yeux de tous ; soudain, dans l’éclat d’une voix perce la densité d’une vie. »
Témoignage unique sur la vie des ouvriers sans papiers, les raisons de leur venue, leur vie en France, dans les foyers, dans les lieux de travail, leur peur constante d’être arrêtés… ce livre permet de mieux prendre conscience du quotidien des ouvriers sans papiers (qui vivent comme des hors-la-loi alors même qu’ils travaillent et cotisent...). Évitant de se vêtir de la défroque victimaire où on a tant tendance à les placer. En dépit des difficultés, des craintes, de la dureté du quotidien, les 4 ouvriers parlent ouvertement, assumant leur choix, et demandant, non pas de l’aide, mais d’être écoutés, pris en compte pour ce qu’ils sont (des gens qui sont ici et travaillent ici), des interlocuteurs avec qui "faire de la politique". À l’heure où la question de l’immigration est plus que jamais problématique, ce livre nous remet le coeur à l’heure, et remet de l’humain là où on préfère le nier.
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