LCI : Il voulait être footballeur, il est sans-papiers

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Par Alexandra GUILLET

Foot : Il voulait être footballeur, il est sans-papiers

Des dizaines de mineurs africains se retrouvent à la rue en France, victimes de faux agents qui leurs font miroiter des places dans les plus grand clubs de football européens. L’association Foot Club Solidaire tente de leur venir en aide.

Créé le 27 juin 2006 - Mis à jour le 27 juin 2006 à 10h09

Il se voyait footballeur professionnel dans un grand club européen. Le voilà terré en banlieue parisienne, sans papiers, sans argent... et sans ballon. Assis derrière son verre de jus d’orange, Yannick*, jeune camerounais de 19 ans tente de sourire, mais son regard trahit une profonde détresse. "Je croyais qu’en France on aidait les Noirs comme moi, mais c’est pas vrai". Tout avait pourtant bien commencé, il y a un peu plus d’un an.

"Je jouais dans un centre de formation amateur à Yaoundé, raconte-t-il, le c ?ur pincé. Lors d’un tournoi, un agent m’a repéré. Il est allé voir ma mère pour lui dire qu’il voulait m’emmener en Europe faire des essais dans des clubs". Pleine d’espoir, sa mère emprunte 1.000.000 de francs CFA (1525 euros) pour financer le voyage de son fils. Yannick fait son sac. Direction Stuttgart, en Allemagne où il s’entraîne pendant deux semaines dans un club professionnel. "Je ne comprenais pas la langue mais ça se passait bien, puis l’agent m’a tout d’un coup retiré du centre. Il m’a dit que les négociations se passaient mal avec les dirigeants et m’a payé un billet de train pour que j’aille m’entraîner en Alsace, le temps que les choses s’arrangent".

"Je me suis fait avoir"

A Strasbourg, personne n’attend Yannick. Son agent, injoignable, s’est volatilisé. "Je me suis fait avoir. En plus on m’a piqué mon sac et mon passeport", confie-t-il, amer. Pendant deux mois, Yannick dort dans des squares ou des caves. Des Africains lui conseillent d’aller à Paris, où il entre en contact avec l’association Culture Foot Solidaire.

Son fondateur, Jean-Claude Mbvoumin, est un ancien "lion indomptable" (joueur international camerounais). Depuis qu’il a raccroché les crampons il y a six ans, et créé son association à Saint-Gratien (95), des histoires comme celle de Yannick, il en a plein ses filets. "J’ai vu défiler peut-être 700 jeunes ici. Ca veut dire qu’en réalité ils sont des milliers. Les plus jeunes ont 14 ans !", s’indigne-t-il. L’association essaie de les dépanner en leur donnant un titre de transport, un peu d’argent, du temps d’écoute.... Mais pour Jean-Claude Mbvoumin, "c’est aux Etats, à la FIFA et aux clubs de se saisir de ce problème".

Pas de retour au pays sans argent

"Tout le monde connaît l’existence de ces agents véreux, explique-t-il. Tout le monde connaît l’existence de camps d’entraînement illégaux en Europe. On ne peut laisser continuer ce trafic d’enfants, encouragé directement ou indirectement par des clubs qui préfèrent fermer les yeux sur les conditions dans lesquelles ils sont arrivés en France". La FIFA a bien mis en place des règles qui interdisent le transfert international des mineurs. Mais les agents escrocs les contournent en falsifiant l’état civil des jeunes Africains. Et la médiatisation toujours croissante du football devrait continuer d’encourager ces derniers à plaquer leur continent pour tenter de devenir le Drogba de demain.

Yannick fait partie de ceux qui continuent de garder espoir. Tous les matins, il court. Le soir, il s’entraîne avec des joueurs amateurs sur un terrain de foot de Melun. "Leur niveau est bas, mais ça me maintient en condition", lâche-t-il. Depuis plusieurs jours, un partenaire de jeu lui offre le gîte. Mais pour combien de temps ? Yannick sait qu’il est illégal d’héberger un sans-papiers. A la rentrée, il s’inscrira à l’école. A la rentrée, l’association devrait organiser des matchs entre des jeunes comme lui et des joueurs professionnels pour leur donner une chance d’être remarqué. Retourner au pays ? Il y songe tous les jours. "Il faut d’abord que je trouve l’argent pour rembourser les dettes de ma mère. Elle s’est sacrifiée pour moi. J’ai trop honte".

"Ce n’est pas facile de faire venir un jeune Africain"

Robert Budzynski a été le directeur sportif du FC Nantes de 1970 à octobre 2005. A lui seul, il a recruté plus de 200 joueurs. Il répond aux accusations portées contre les clubs français de fermer les yeux sur le trafic de jeunes joueurs Africains.

Ces problèmes existent en Europe. Il y a notamment eu quelques cas retentissants en Belgique. C’est le résultat de quelques personnes malhonnêtes qui veulent faire de l’argent sur le dos d’Africains pour qui venir faire du football en France représente une porte de sortie extraordinaire. Mais je peux vous dire qu’on ne se conduit pas comme cela dans le football professionnel français, que ce soit en division 1 ou 2. Contrairement aux apparences, ce n’est pas facile de faire venir un jeune Africain chez nous pour des essais.

LCI.fr : Pourquoi ?

Parce qu’il y a des règles légales et diplomatiques. Il faut d’abord obtenir un visa de deux mois de la part de son ambassade. Or, ce document n’et délivré que si le club français paie un aller Et un retour au jeune. Si le jeune que l’on veut faire venir en France a moins de 16 ans, le club est obligé de faire venir ses parents et leur trouver un travail le temps de la période de test. Si l’essai est concluant, on est obligé de lui signer un contrat. Et si un jeune ne passe pas professionnel à la fin de son contrat, on essaie de lui trouver des solutions de rechange. Il y a une éthique à respecter. Nous sommes très contrôlés, que ce soit par la Ligue ou la Fédération.

LCI.fr : Un club peut-il se mettre à l’abri d’un agent véreux ?

Tous les clubs se sont fait avoir. Mais c’était il y a 25 ans. Depuis, de nombreux centres de formation ont été créés et ils possèdent des agents agréés en Afrique. Ils sont nos yeux sur les terrains de foot africains. On les connaît et les règles sont respectées.