La Nouvelle République du Centre : Samuel Benchetrit met son cœur à nu

 

En pleine rentrée littéraire, Samuel Benchetrit publie un très réussi “ Le Cœur en dehors ”. L’histoire d’un enfant de sans-papiers dans une cité de banlieue.
 

Coup de cœur pour Le Cœur en dehors de Samuel Benchetrit. L’écrivain, également réalisateur, propose un regard sur la vie des quartiers quand on est haut comme trois pommes. Son petit Charly parle de choses aussi sérieuses que la vie dans la cité, l’amour secret pour une fille et la crainte de ne plus revoir sa mère malienne et sans papiers. Sans militantisme, ni politique. Mais avec une grosse pointe d’humour. Simplement le cœur à nu.

Déjà dans les « Chroniques de l’asphalte », vous aviez pris la banlieue pour décor. Vous recommencez avec « Le Cœur en dehors ». Mais la banlieue n’est plus la même, aujourd’hui ?

Dans les

Chroniques

c’était la banlieue des années 80, celle où j’ai grandi, dans un quartier HLM de Champigny-sur-Marne. On n’échappe pas à ce qu’on a été et forcément j’ai dû mélanger un peu. Mais j’ai encore des amis en banlieue et j’y suis allé souvent pour préparer ce livre. Là où il y avait des dégradations, aujourd’hui on pourrait parler de ruines… Et les caves sont toujours dégueulasses.

Pourquoi avoir choisi un enfant pour héros ?

Les grosses conneries de gamins me font rire et 11 ans, c’est aussi l’âge de mon fils. C’est un moment de vie étrange, on commence à se lâcher dans la vie mais on a encore besoin de sa mère. Le Charly du livre est vraiment entre ces deux états. Il aime l’école, une fille, la France. Son frère a laissé tomber et a sombré dans la drogue. Mais lui, il pourrait s’en sortir.

La famille de Charly est malienne et sans papiers, pourquoi écrire sur ce sujet ?

J’ai été gêné d’entendre les objectifs du début d’année, de 28.000 sans-papiers à ramener au pays. Des Charly, il y en a sûrement un peu partout… Mais j’en ai fait un livre drôle, qui n’a rien de politique ! Je ne sais pas faire autrement, j’ai besoin de dédramatiser. En banlieue, l’humour est souvent un moyen de défense.

Le regard des enfants sur leur quartier n’est pas toujours tendre…

La vie en banlieue est atroce. Ça n’a pas été fait pour que des gens y vivent aussi longtemps. Tous se plaignent et pas seulement les jeunes. Mais ils sont obligés de vivre ensemble et ça ne se passe pas si mal. On voit rarement autant de solidarité que dans un HLM et il n’y a pas tous les jours un type qui tire sur un autre…

Les enfants habitent les tours Rimbault ou Picasso… sans savoir de qui il s’agit. Qu’elle est la place de la culture dans les quartiers ?

Elle n’existe pas. On n’y met jamais les musées et au mieux, on voit pousser un multiplexe. Charly, c’est un peu moi, c’est un peu mon fils. Il a cette éducation française, une mère qui le pousse à apprendre. On voit de plus en plus de comédiens, d’écrivains, de sportifs issus de banlieue. La seule violence et le manque d’éducation, c’est une image démodée. Ce n’est plus la banlieue de mon enfance.

Votre roman est actuellement en opération « satisfait ou remboursé » au Virgin Mégastore à Paris. Ça vous inspire quoi ?

Je trouve que c’est une façon de vendre intéressante, d’autant que je ne suis pas un champion des ventes ! Ils auraient pu assurer le coup en prenant des auteurs plus connus comme Beigbeder ou Nothomb. Qu’ils choisissent un livre sur la banlieue et les sans-papiers, je trouve ça bien.

Le Cœur en dehors,
Samuel Benchetrit, 296 pages,
éditions Grasset, 18 €.

Propos recueillis par Delphine Noyon

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