La Voix du Nord : Bon samaritain des Darfouris d’Arras, Jean-Marie Ngazuba a écrit leur histoire

Il a accueilli six cents réfugiés Darfouris à Arras. Durant quatre ans, le pasteur évangéliste Jean-Marie Ngazuba, les a aidés à se loger, à se soigner, à se nourrir, à s’intégrer. Il s’est passionné pour leur histoire : Du Darfour à Arras. Il en a fait un livre, sorti cette semaine aux éditions Bénévent. Une histoire qui entre en résonance avec la sienne, immigré Congolais, d’abord débouté dans sa demande d’asile.

PAR SARAH BARDIS
snicolle@lavoixdunord.fr

« Pour nous, tu es un Juste même si tu n’as pas le Nobel de la paix ! Voilà ce qu’ils m’ont dit, mes Darfouris . » La tête penchée, Jean-Marie Ngazuba laisse éclater son rire franc. S’y mêlent des larmes d’émotion. Flanqué de son éternel chapeau en feutre mou et de sa canne en bois torturé, le pasteur a chaud au coeur. Il n’a pas eu le prix Nobel. Mais, sous ses airs de pèlerin déjanté, juste bon samaritain, il a le sentiment du devoir accompli. « C’était ma mission. » Dit-il en tenant son livre, Du Darfour à Arras . Une mission ? Accueillir six cents réfugiés du Darfour. Ses Darfouris, comme il dit. Et laisser une trace de leur passage à Arras à travers ce livre.

Tout a commencé en 2004. Un homme frappe à la porte du Bon Samaritain « J’ai eu peur : il me fixait, sans rien dire, avec ses grands yeux, se souvient le pasteur. J’ai mis un temps à comprendre qu’il voulait demander l’asile. Je l’ai aidé dans ses démarches administratives. Puis il est reparti. Il faisait froid. Il n’avait nulle part où aller. » Jean-Marie Ngazuba veut faire quelque chose. Il finit par louer une maison rue de Paris pour accueillir les réfugiés. Pendant ce temps, le bouche à oreille trace sa route.

Un, deux, puis des centaines de Darfouris frappent à sa porte. Sept appartements sont loués par l’association. La maison du révérend envahie... Jean-Marie Ngazuba s’investit corps et âme. Pris de passion pour leur histoire. « Les massacres, l’horreur. Pour fuir, ils ont traversé le désert. Ont travaillé clandestinement en Libye, dans les champs, pour payer les bateaux où, cachés dans les cales, ils ont quitté l’Afrique. Un an de fol exil. Et à leur arrivée en France : le choc. Ils fantasment un pays des droits de l’homme, mais se retrouvent menottés.

Soupçonnés. Sans y rien comprendre. » Ses mains s’agitent quand il parle. Leur histoire résonne avec la sienne. L’immigré congolais. débarqué en France il y a 25 ans, pour demander l’asile. « J’ai grandi dans un camp militaire au Congo belge (Congo Kinshasa). Je suis devenu responsable de centres médicaux. Mais je vivais mal la prise de pouvoir du général Mobutu. Il y avait des cérémonies en son honneur où il fallait danser dans la rue. Ces jours-là, on me demandait de fermer les centres, je ne voulais pas. » Repéré par le régime, il décide de fuir. À 35 ans. Il plaque derrière lui un pan de sa vie. Arrivé en France, il réalise qu’il n’est pas au bout de ses peines. L’attend un long combat juridique pour une demande d’asile. Dont il sera finalement débouté.

« C’est révoltant. On fuit une situation dangereuse. En arrivant, on n’est pas cru. » Il mettra dix ans à obtenir la nationalité.

Colère, déception, espoir, force aussi. Ses sentiments, il les a vus remonter en entendant frapper le Darfouri. Ses actions sont récompensées : les six cents Darfouris ont obtenu l’asile. Beaucoup travaillent aujourd’hui. Une petite dizaine est restée à Arras. Quatre enfants y sont nés. •

 

 Jean-Marie Ngazuba retrace l'histoire des six cents Darfouris qu'il a accueilli à Arras dans son livre, sorti cette semaine.
Jean-Marie Ngazuba retrace l’histoire des six cents Darfouris qu’il a accueilli à Arras dans son livre, sorti cette semaine.
PHOTO SAMI BELLOUMI

 

 

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