« La frénésie sécuritaire Retour à l’ordre moral et nouveau contrôle social », sous la direction de Laurent Mucchielli

Les années 1997-2002 furent celles du « tournant sécuritaire », marqué par la surenchère électorale sur le thème de l’insécurité. Mais, depuis 2002, la France est engagée dans une véritable « frénésie sécuritaire », qui n’a fait que s’aggraver depuis l’élection présidentielle de 2007.
Chasse aux étrangers sans papiers, internement prolongé d’adultes et d’enfants en zones de rétention, multiplication des infractions et des sanctions, remise en cause de la justice des mineurs, atteinte à certaines libertés au nom de la lutte antiterroriste, pression croissante du pouvoir politique sur les magistrats, explosion de la population carcérale, mais aussi abandon de la police de proximité, recours croissant au fichage, à la vidéosurveillance et à la biométrie, montée en puissance des technologies et des doctrines d’origine militaire.
Les auteurs de ce livre, spécialistes reconnus dans leurs domaines, décryptent les facettes de cette frénésie, ses origines idéologiques et sa mise en scène médiatique. À partir de leurs recherches, études et enquêtes, ils montrent qu’elle ne répond pas à la demande de sécurité des populations et alertent sur l’avènement possible d’une nouvelle « société sécuritaire ».

présentation des éditions La Découverte


Collection : sur le vif
Edition : la Découverte
Mars 2008
136 pages
10 €

le commentaire de Jean-François CHALOT

L’enfer sécuritaire


Dix spécialistes, indépendants et reconnus pour leur maîtrise du sujet nous expliquent la genèse de cette politique sécuritaire et ses différents aspects….

Le « tournant sécuritaire » ne vient pas hier, il a commencé en 1997-2002 au moment où la gauche détenait les leviers législatifs mais il est vrai que Sarkozy premier flic de France a été un maître en la demeure, surclassant tous ses concurrents.

Pour Jean Chazal, magistrat et l’un des pionniers d’une justice « protectionniste » : « Quand un enfant vole un vélo, ce n’est pas au vélo qu’il faut s’intéresser mais à l’enfant ».

Pour l’hôte de l’Elysée, ce qui prime c’est de lutter contre la délinquance sans s’embarrasser de considérants psychologiques et éducatifs, c’est le règne du populisme pénal contre les jeunes qui ne restent pas dans les clous.

L’ère de la réflexion et du respect du droit de l’enfant est révolu. Quel intérêt de traiter indifféremment la délinquance « initiatique » des transgressions d’adolescents, la délinquance « pathologique » ou la délinquance « d’exclusion » !

Il faut éradiquer au plus vite toute cette « insécurité » qu’elle soit réelle ou exagérée, faire du chiffre, quitte d’ailleurs à triturer les données en fonction des objectifs fixés !

Les contributeurs décortiquent cette politique sécuritaire et dévoilent les enjeux, qu’il s’agisse de la remise en cause de la spécificité du droit des mineurs ou des garanties en termes de défense assurée aux justiciables.

Les résultats de cette politique dite de protection sont maigres et d’ailleurs des magistrats voire même des policiers expriment leur inquiétude devant ce tout sécuritaire qui remet en cause tout le dispostif d’articulation entre la prévention et la répression.

La chasse à l’enfant d’immigré est ouverte, au mépris des principes inscrits dans les textes internationaux signés par la France.

Pour parvenir à obtenir une immigration économique « choisie » et pour se débarrasser de l’immigration de droits fondamentaux, le gouvernement précarise les immigrés «  en réduisant la délivrance de cartes de résident( de dix ans) au profit des cartes de séjour temporaire ( d’un an) » «  La fabrique à sans-papiers », déjà brutale au temps des lois Pasqua et Debré, tourne comme jamais, à plein régime... »

Le réquisitoire des dix auteurs est implacable.

Malheureusement, rien n’est exagéré :

Tout l’arsenal judiciaire construit à la va-vite sans évaluation, le fichage systématique, le développement de la vidéosurveillance, la suppression de la police de proximité et l’utilisation des technologies d’origine militaire constituent un ensemble cohérent conduisant à un enfer sécuritaire.

Cette frénésie liberticide doit être combattue.

Jean-François CHALOT