Le Monde / "Après l’océan" : l’épopée de deux Ivoiriens dans une Europe vue comme l’eldorado

Sara Martins dans le film franco-ivoirien d'Eliane de Latour,
SHELLAC

Sara Martins dans le film franco-ivoirien d’Eliane de Latour, "Après l’océan".

Deux belles blondes signent des films en communion avec l’homme noir. Claire Denis est la plus connue. Mais il y a quelque chose d’assez sain, tonique, dans la façon dont Eliane de Latour filme les ghettos d’Abidjan, en Côte d’Ivoire.

Cette anthropologue et documentariste de formation avait évoqué dans Bronx Barbès le périple de deux jeunes Ivoiriens initiés aux braquages. Il lui a fallu attendre neuf ans pour mener à bien un nouveau récit sur l’épopée de ces gamins qu’elle affectionne. Tourné en pleine guerre civile en Côte d’Ivoire, Après l’océan raconte encore une histoire d’évasion.

Les deux fuyards se nomment cette fois Shad et Otho. Ils ont déserté leur ghetto pour aller "faire fortune" en Europe. Ils entrent clandestinement en Espagne. Une descente de police les sépare. L’un est renvoyé brutalement dans son pays, l’autre poursuit son périple. Il ne s’agit pas de l’aventure de sans-papiers cherchant une terre d’asile et traqués par la répression de l’immigration. Le voyage de Shad et d’Otho est resitué dans un contexte mythologique africain.

Dans ces ghettos touchés par la misère, il y a toujours ce fantasme d’un ailleurs, d’un eldorado avant un retour triomphant. Jadis, on partait faire la guerre, capturer des esclaves, amasser des trésors pour engranger des richesses afin d’aider les siens. Inspirée par la même tradition, cette entrée clandestine dans une Europe vue comme repaire d’abondances est le début d’une épopée qui ne vise pas l’intégration, mais une réussite flatteuse avant de revenir au pays financièrement fraternel.

Il n’y a pas de miracle, plutôt un mirage, et c’est pourquoi le président de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, a aidé Eliane de Latour à faire son film : pour faire comprendre aux habitants des bidonvilles que ce type de conquête sociale en Europe était un fantasme, pour combattre le virus de l’immigration clandestine, suggérer que la réussite de certains n’est pas toujours obtenue légalement.

CELUI QUI CROIT AU FRIC

Après l’océan est donc une parabole, sur celui qui croyait au fric et celui qui n’y croyait pas. Transitant par l’Angleterre et débarqué à Paris, le premier, Shad, va subir en métropole la guerre des mafias locales, la loi du boulevard, le réseau des rabatteurs, les règlements de comptes, l’attrait du vol pour ne pas perdre la face et arborer le masque du bienfaiteur. Le second, Otho, couvert de honte après avoir été expulsé vers son bled, est celui qui est resté fidèle à ses valeurs, à sa culture. Il croit moins à l’imitation qu’à la création, il a sa richesse en lui.

Gorgé d’énergie, à l’affût d’idées de cinéma, la réalisatrice use à fond de la musique. Chants reggae, rap, ragga : un bonheur sonore. Les images sont flamboyantes, au diapason des rêves de son aventurier. L’intrigue est tissée de résonances culturelles et sociales, mêlant la vie brutale des immigrés de Paris à des affections et des amours particulières.

En résulte un patchwork détonant entre Noirs, roux jaloux, maghrébin gourmand, et cette blonde (Marie-Josée Croze) dont la passion pour Shad illustre métaphoriquement celle d’Eliane de Latour pour les innocents de couleur qui repartent les mains vides.

Rythmée comme une chanson de geste, cette chronique séduit par le concert des voix de ses protagonistes. Langue jubilatoire pour poètes de la rue qui se traitent de "fils de capote percée". Verbe enchanté où l’on "perd le réseau" quand on a la tête à l’envers. Surenchères de palabres où on se targue d’avoir "sa petite anticipation de la globalité des choses".

LA BANDE-ANNONCE (avec Preview Networks)


Bande-annonce fournie par Filmtrailer.com


Film franco-ivoirien d’Eliane de Latour avec Fraser James, Djédjé Apali, Marie-Josée Croze, Sara Martins, Malik Zidi. (1 h 48.)

Jean-Luc Douin
À VOIR

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