Léon-Michel Ilunga, "Le Petit-Château, roman", Paris, L’Harmattan, coll. "Ecrire l’Afrique ."( 15,50 euros)
Christophe Lamy, ancien élève des missionnaires, un brevet qui lui aurait valu en toute logique la confiance des prêtres catholiques chez qui il débarque, se retrouve au Petit-Château, c’est le nom d’une bâtisse militaire qui appartenait autrefois à la gendarmerie belge, transformée en centre d’accueil pour demandeurs d’asile dans le royaume de Belgique.
Un des moments clés de ce roman n’est autre la découverte, sous le regard candide de Lamy, d’un microscosme peu avenant et d’un lieu d’enfermement qui ne dit pas clairement son nom.
Tout part de là et y ramène, le Petit-Château constitue le lieu focal d’une aventure dont la narration tient en douze chapitres brefs, autant d’étapes d’une expérience dysphorique mais quasi initiatique.
Par touches légères, Léon-Michel Ilunga nous fait vivre la découverte, par un migrant, des réalités d’un monde trop rationnel pour être humain , en dissonance avec des principes humanistes dont la Belgique se targue d’être la détentrice jalouse , aux yeux du monde, ce qui ne l’empêche pas de se cabrer, face aux flux jugés préoccupants de migrants.
Ce roman dur, écrit avec tact ne vise à aucune démonstration ; c’est la narration sincère et véridique autant dire fictionnelle d’une expérience traumatisante.
Le séjour au Petit-Château n’a rien d’euphorisant mais la faune que Lamy y observe se pare de couleurs vibrantes et inattendues. Le monde des réfugiés n’est pas celui des chattemites.
C’est le cas de la belle Aïssato qui est tout le contraire d’une carmélite. C’est une figure inoubliable par sa pétulance, ses coups fourrés, ses menteries d’une audace inouïe qui sont une arme de défense.
Pour Lamy , la vie ressemble désormais à une errance, au gré d’une procédure aseptisée avec ses épisodes tragi-comiques. Un aller et retour incessant entre espoir et découragement La procédure d’asile s’avère rébarbative par sa longueur et ses dysfonctionnements.
Du Petit-Château en résidences provisoires, de Bruxelles en Flandre, du monde francophone à son antipode flamand, dans une Belgique dont les déchirements et les tiraillements ne sont pas sans conséquences pour les demandeurs d’asile.
L’attente étirée en longueur permet à notre héros dérisoire de faire la connaissance des personnes qui lui apporteront un tant soit peu de lumière, de courage et de soutien.
Un duo amoureux s’esquisse parallèlement au ballet pathétique du demandeur d’asile ballotté, d’un lieu de résidence à l’autre.
Sur ce plan là aussi rien n’est simple mais sa rencontre avec Anna s’avère riche de promesses dès le départ. Leurs balades en vélo à travers la Flandre sont rendues avec grâce par l’écrivain.
Notre héros à son corps défendant se trouve sous le tir croisé de deux femmes et n’échappe au piège que lui tend Assaïtou que par miracle.
En réalité son choix est d’ores et déjà fait, ce sera Anna, amoureuse mais hésitante.
Le mot de la fin entrouvre un horizon plein d’espoir.
Léon-Michel Ilunga a su éviter les pièges et les facilités d’un récit didactique et moralisateur à bon compte. Il a évité tout aussi bien l’écueil d’une confrontation stéréotypée de cultures. Ses personnages sont véridiques et complexes. Le migrant est d’une étoffe convaincante et sa psychologie exposée avec tact dans une succession d’épisodes reparties en douze chapitres suggérant implicitement une descente aux enfers dans le souvenir de Dante.
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