"Le Petit Chateau, roman" de Léon-Michel Ilunga Léon Michel Ilunga

Pour tous les militants belges de la cause des sans papiers et des demandeurs d’asile, et plus largement pour tous les défenseurs des droits de l’Homme, le Petit Château, à Bruxelles, une ancienne caserne devenue un centre d’accueil (si peu) pour les demandeurs d’asile en famille ou célibataires, mais vivent aussi des enfants isolés sans papiers le plus souvent mis à la porte du lieu dès qu’ils atteignent leur majorité sans avoir été régularisés, est un de leurs pires cauchemars. Emblématique de la politique belge kafkaïenne du traitement des demandes d’asile et de régularisation, le Petit Château est une tour de Babel, sans moyens (ou si peu) et inadapté au possible à l’accueil de populations fragilisées et souvent désespérés.
Il sert ici de décor à un roman retraçant le parcours d’un demandeur d’asile, entre attente, espoirs déçus et rage, dans une Belgique où les dissensions communautaires aggravent et ralentissent les procédures, où les migrants deviennent un enjeu politique, au gré des coalitions gouvernementales.
C’est à une véritable descente vers l’abîme que nous convie l’auteur, qui trace également le portrait de résidents du Petit Château, archétypes du genre humain, bien loin du misérabilisme qui prévaut d’ordinaire.

Léon-Michel Ilunga, "Le Petit-Château, roman", Paris, L’Harmattan, coll. "Ecrire l’Afrique ."( 15,50 euros)

 
Avec une précision d’entomologiste , Léon-Michel Ilunga décrit la décrépitude physique ainsi que la déchéance mentale qui guettent les demandeurs d’asile, sevrés de leurs illusions, tout au long des méandres d’une procédure aux allures kafkaïennes.

Christophe Lamy, ancien élève des missionnaires, un brevet qui lui aurait valu en toute logique la confiance des prêtres catholiques chez qui il débarque, se retrouve au Petit-Château, c’est le nom d’une bâtisse militaire qui appartenait autrefois à la gendarmerie belge, transformée en centre d’accueil pour demandeurs d’asile dans le royaume de Belgique.
Un des moments clés de ce roman n’est autre la découverte, sous le regard candide de Lamy, d’un microscosme peu avenant et d’un lieu d’enfermement qui ne dit pas clairement son nom.
Tout part de là et y ramène, le Petit-Château constitue le lieu focal d’une aventure dont la narration tient en douze chapitres brefs, autant d’étapes d’une expérience dysphorique mais quasi initiatique.
Par touches légères, Léon-Michel Ilunga nous fait vivre la découverte, par un migrant, des réalités d’un monde trop rationnel pour être humain , en dissonance avec des principes humanistes dont la Belgique se targue d’être la détentrice jalouse , aux yeux du monde, ce qui ne l’empêche pas de se cabrer, face aux flux jugés préoccupants de migrants.
Ce roman dur, écrit avec tact ne vise à aucune démonstration ; c’est la narration sincère et véridique autant dire fictionnelle d’une expérience traumatisante.
Le séjour au Petit-Château n’a rien d’euphorisant mais la faune que Lamy y observe se pare de couleurs vibrantes et inattendues. Le monde des réfugiés n’est pas celui des chattemites.
C’est le cas de la belle Aïssato qui est tout le contraire d’une carmélite. C’est une figure inoubliable par sa pétulance, ses coups fourrés, ses menteries d’une audace inouïe qui sont une arme de défense.
Pour Lamy , la vie ressemble désormais à une errance, au gré d’une procédure aseptisée avec ses épisodes tragi-comiques. Un aller et retour incessant entre espoir et découragement La procédure d’asile s’avère rébarbative par sa longueur et ses dysfonctionnements.
Du Petit-Château en résidences provisoires, de Bruxelles en Flandre, du monde francophone à son antipode flamand, dans une Belgique dont les déchirements et les tiraillements ne sont pas sans conséquences pour les demandeurs d’asile.
L’attente étirée en longueur permet à notre héros dérisoire de faire la connaissance des personnes qui lui apporteront un tant soit peu de lumière, de courage et de soutien.
Un duo amoureux s’esquisse parallèlement au ballet pathétique du demandeur d’asile ballotté, d’un lieu de résidence à l’autre.
Sur ce plan là aussi rien n’est simple mais sa rencontre avec Anna s’avère riche de promesses dès le départ. Leurs balades en vélo à travers la Flandre sont rendues avec grâce par l’écrivain.
Notre héros à son corps défendant se trouve sous le tir croisé de deux femmes et n’échappe au piège que lui tend Assaïtou que par miracle.
En réalité son choix est d’ores et déjà fait, ce sera Anna, amoureuse mais hésitante.
 
Quand tombe le verdict de l’Office des étrangers c’est la consternation, celui-ci sonne le glas des espoirs de notre migrant, forcé de retourner dans son pays.Heureusement l’amour est là pour lui donner la force d’affronter cette épreuve.
Le mot de la fin entrouvre un horizon plein d’espoir.

Léon-Michel Ilunga a su éviter les pièges et les facilités d’un récit didactique et moralisateur à bon compte. Il a évité tout aussi bien l’écueil d’une confrontation stéréotypée de cultures. Ses personnages sont véridiques et complexes. Le migrant est d’une étoffe convaincante et sa psychologie exposée avec tact dans une succession d’épisodes reparties en douze chapitres suggérant implicitement une descente aux enfers dans le souvenir de Dante.
 
AntoineTshitungu
 
 
 


 

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