92 - Hauts-de-Seine

Lettre ouverte à M. le Président du Conseil départemental et à M. le Préfet des Hauts-de Seine

Le confinement c’est pour tous, la rue c’est pour eux !

Eux, ces jeunes majeur.e.s isolé.e.s étranger.e.s, dont vous, M. le Président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, avez signé la fin brutale de prise en charge le 31 juillet ou le 31 août dernier. Ils étaient près d’une vingtaine, et depuis quelques autres les ont rejoints. Eux, à qui la préfecture de Nanterre ne concède des rendez-vous qu’au compte-gouttes, pour déposer un dossier de régularisation de leur situation. Pour eux, la rue.
Eux, ces mineur.e.s étranger.e.s qui frappent à la porte de l’ASE et qu’on rejette vite fait, au faciès, aux papiers qui seraient impossibles à exploiter, aux tests osseux dont on connaît l’inadaptation pour établir un âge civil. La dernière dont nous avons eu connaissance est une jeune fille de 15 ans, dont la mise à l’abri a pris fin le 24 octobre. Pour elles et eux, la rue.
La rue, c’est le danger, les galères. La nuit dans une gare, sous un porche dont il faut déguerpir au petit matin pour errer toute la journée, ou pour certains se rendre, comme si de rien n’était, à l’école ou au travail. Le ventre creux.
Les plus chanceux, peu nombreux, ont réussi à poursuivre leur apprentissage, leur formation. Presque tous ont, dans la foulée de la mise à la rue, perdu sécurité, ressources et contrat de travail. On n’en finira pas de dénoncer le cercle vicieux qui fracasse leurs parcours : avec la fin de prise en charge du département (le contrat jeune majeur), c’est la quasi impossibilité d’obtenir un rendez-vous en préfecture pour déposer une demande de régularisation du séjour. Pas d’examen de leur dossier en préfecture, pas d’autorisation de travail. Pas d’autorisation de travail, pas de contrat de travail, et en l’absence de 6 mois de formation, pas de titre de séjour envisageable. La boucle est bouclée. Le couperet des obligations de quitter le territoire s’abat sur eux. La vie de sans-papiers, la menace de l’expulsion, c’est le cadeau d’anniversaire du département pour les 18 ans de trop de jeunes étranger.e.s.
Nous n’acceptons pas que ces jeunes aient ainsi leur vie saccagée. La collectivité qui les a – chichement - accueillis s’honorerait à considérer la richesse humaine qu’ils représentent, et le modique effort que leur prise en charge implique pour le budget (nos impôts), du plus riche des départements de France après Paris (plus de 500 millions d’excédent budgétaire chaque année).
Depuis janvier 2020, seulement 200 nouveaux mineurs ont été pris en charge par le département des Hauts de Seine sur décision judiciaire.
Nous n’acceptons pas le discrédit porté par le Conseil départemental sur les jeunes étrangers qu’il met à la rue. Nous n’acceptons pas les maltraitances petites et grandes dont sont l’objet trop de jeunes confiés à l’ASE 92 (absence de suivi éducatif, discrimination dans l’accès au rendez-vous de la préfecture, courriers non remis, affectations scolaires non validées, etc).
Les jeunes et leurs soutiens ne baissent pas les bras, protestent en nombre avec leurs camarades et leurs enseignants devant l’ASE, activent les recours. Deux d’entre eux viennent d’obtenir du tribunal que le département les reprenne en charge en attendant que leur situation soit étudiée au fond.
Chaque année, le 20 novembre rappelle que les enfants ont des droits et que la France a signé la Convention qui les énonce et devrait les garantir.
M. le Président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, M. le Préfet des Hauts-de-Seine, nous demandons, pour tous les mineurs et jeunes majeurs un traitement juste, l’accompagnement éducatif et matériel indispensable jusqu’à la fin de leur formation et leur accès à l’autonomie, le rétablissement de la possibilité pour tous de demander un titre de séjour, et leur régularisation.

Premiers signataires :
ACE 92 (Action Catholique des Enfants), Amnesty International France (groupe 68), ASTI de Colombes, ASTI-RESF d’Asnières-sur-Seine, CGT Educ’action 92, CIMADE Ile-de-France, association Citoyens à Antony, Collectif des Enseignant.e.s Chercheur.se.s Précaires de Nanterre, Collectif MIE RESF 92, Collectif de soutien aux sans-papiers de Bagneux, Espace Dynamique d’Insertion de Nanterre (association FAIRE), FCPE 92, Jeunesse Ouvrière Chrétienne nord/centre 92, La Vie Nouvelle-Vallée de la Bièvre, Ligue des Droits de l’Homme 92, LDH Meudon-Sèvres-Clamart, LDH Antony-Sceaux-Bourg la Reine, MRAP 92, Paris d’exil, Parti Communiste Nanterre, Parti Socialiste Saint-Cloud & Garches, RESF 92, Salto, Secours Catholique équipe de Nanterre, Solidarité Jeunes Etrangers 92, SUD Education 92, Vallée Accueil Solidaire.