Les Echos : « Cherchez Hortense » : l’intello et la sans-papiers

Damien, prof de civilisation chinoise à la Sorbonne, vit avec Iva, metteur en scène de théâtre. Ils ont un fils, Noé, qui, du haut de ses 12-13 ans, regarde sans aménité leur couple battre de l’aile. Sa mère n’est jamais là et son père, enfermé dans sa lassitude, fait ce qu’il peut, sans plus…
Parmi les sujets de dissension, il y a Zorica. Une Serbe, amie de la fiancée du frère d’Iva, qui, après son divorce, s’est retrouvée privée de sa carte de séjour et risque à tout moment d’être expulsée. Iva a demandé avec insistance à Damien d’en parler à son père qui, Président du Conseil d’Etat, dispose à l’évidence de relations au plus haut niveau. Mais son brillant universitaire de mari redevient un petit garçon devant son géniteur, qui le balade au téléphone sans jamais « pouvoir » lui fixer un rendez-vous. « Je n’ai de rapports simples avec personne, et surtout pas avec mon père », lâche un Damien conscient de sa lâcheté et qui, visiblement, n’a pas réglé son Œdipe. Il est vrai que le Conseiller d’Etat est odieux avec lui, ne cachant pas son mépris et son désintérêt, que depuis des jours il élude tout rendez-vous, se décommande in extremis, et ne se laisse rencontrer que deux minutes entre deux portes… Alors Damien s’enfonce dans le mensonge, et la culpabilité, ce qui ne l’empêche pas de continuer à dispenser à un aréopage de chefs d’entreprise – la scène est hilarante – des cours passionnants sur la mentalité chinoise et, notamment, la signification des différent sourires qu’il leur faudra interpréter au cours de leurs futures négociations. Pendant ce temps, Iva s’absente de plus en plus, et finit par avouer qu’elle a une liaison avec son jeune acteur, tandis que Noé trouve refuge chez une copine de classe. Abandonné de tous, Damien s’intéresse de plus en plus à une ravissante Aurore, rencontrée chez le libraire et qui souhaiterait profiter de ses cours de mandarin. Mais voilà, Aurore cache un secret qui risque fort de l’éloigner du sinologue en perdition…

Ne cherchez pas Hortense. Le réalisateur Pascal Bonitzer, scénariste brillant d’innombrables films pour André Téchiné, Raoul Ruiz, Jacques Rivette notamment, et auteur malicieux, déjà, de cinq films séduisants dont « Rien sur Robert » et « Petites coupures », n’en a caché aucune derrière sa fausse barbe, c’et une fausse-piste !
En revanche, si vous aimez l’humour intello-potache, les dialogues pétillants, le sarcasme discret et l’auto-dérision souriante, vous trouverez ici largement de quoi vous réjouir, tout en partageant un peu des affres subtilement décrits de tous les personnages. Qui sont, tous, formidablement interprétés. Difficile de rester de marbre en écoutant Jean-Pierre Bacri, Damien plus désarmant qu’irritant, murmurer piteusement « quelqu’un peut avoir un problème parce que je n’ai pas parlé à quelqu’un de quelque chose dont j’aurai dû lui parler et maintenant je dois le dire à ce quelqu’un et je ne sais pas comment ». De ne pas s’émerveiller devant un Claude Rich à la fois odieux et magnifique en vieux notable dragueur sans exclusive, jouisseur sans complexes d’une vie qu’il savoure encore avec un appétit de jeune loup sous les dorures du Conseil d’Etat. De ne pas apprécier les larmes de crocodile déçu de Kristin Scott Thomas. Et, surtout, de ne pas succomber au charme lumineux d’une Isabelle Carré entre roublardise et innocence, bien joli porte-drapeau des sans-papiers hélas toujours sous les projecteurs de l’actualité. Mention spéciale, aussi, au jeune Marin Orcan Tourres, qui campe un irrésistible pré-ado pince-sans-rire, bien plus mûr que ses parents…

MON AVIS

Entre satire douce-amère des intellos-bobos pas toujours à la hauteur de leurs idéaux, charge légère contre les a priori sur les sans-papiers, et vraie fausse esquisse de romance sentimentale, une élégante comédie, toute en finesse, qu’une fin un peu convenue n’arrive pas à gâcher. Très plaisant.

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