En décembre 2011, des manifestations avaient été organisées dans toute l’Ile-de-France pour dénoncer les conditions d’accueil des étrangers dans les préfectures. En Essonne, nous avions fabriqué un portique portant les mots : « Pour un état respectueux des droits et de la dignité des personnes ». Nous avions aussi organisé un petit déjeuner pour toutes les personnes qui faisaient la queue depuis des heures, dans la nuit et le froid.
Un petit groupe a décidé de continuer. Ainsi, depuis le 20 janvier 2012, Pierre, Catherine, Marie-Odile, Marc et Fanfan, Bernadette et Sylvianne se lèvent aux aurores pour préparer café et chocolat et, dès 6 heures, sont devant les grilles de la préfecture d’Evry. Une équipe le jeudi matin, une autre le vendredi matin.
Pierre, de l’équipe du vendredi, fait fidèlement un compte rendu qu’il intitule avec malice « retour de mission ». Son récit mêle descriptions précises et paroles échangées quand il offre le café. Objectivité et humanité. Vous pourrez en lire quelques extraits ci-dessous.
La situation a peu changé, en 6 ans, pour les personnes qui font la queue et notre slogan « pour un état respectueux des droits et de la dignité des personnes » est toujours d’actualité -d’autant plus d’actualité que la loi Asile-Immigration, prochainement votée, limitera encore davantage les droits des étrangers.
Joyeux anniversaire à la fine équipe des p’tits déj d’Evry !
Extrait du « retour de mission » du 1er décembre 2017
[...] même s’il y avait moins zéro à 5 h 30, la route n’était pas gelée, et les marchands de sable étaient déjà en piste sur la R N 2O. Bon, mais c’est vrai qu’il ne faisait pas chaud, un temps à ne pas mettre un RESFiste dehors ? A 6 h il y avait peu de monde, et vers 6 h 30 j’ai compté rapidement, environ 80 personnes, demandeurs d’asile compris (9 ou 10 à ce moment-là). Les boissons chaudes étaient bien appréciées, mais cependant quelques personnes n’en ont pas voulu. J’ai pu parler un peu avec quelques personnes :
- Une femme du Bénin, en France depuis 15ans… venue pour garder la place pour sa mère qui allait arriver avant 7 h. Je crois que c’est elle, qui m’a dit que nous étions plus sympas que les personnes aux guichets qui remplissaient les papiers… je lui ai répondu que nous que nous, nous remplissions les gobelets de boissons chaudes ! Évidemment ça fait rire !
- Un Malien. Nous avons eu une conversation intéressante sur les raisons d’immigrer en Europe, et notamment en France pour ces gens venant d’un pays francophone. J’étais sur le point de lui demander s’il avait fait des études quand nous avons été dérangés par quelqu’un qui demandait un café.
- Enfin une femme venant d’Algérie – De quelle Région – à l’Est d’Alger – Ah bon ? et d’où ? – de Sétif ah oui, la Kabylie ? – C’est ça – Moi j’étais de l’autre côté de la forêt d’AKFADOU, près d’AZAZGA – Cette femme est en France depuis 3 ans pour raison médicale. Une maladie neuro-quelque chose et se fait soigner à la Salpêtrière. Je lui ai souhaité une prompte guérison.[...]
Extrait du "Retour de mission" du 15 décembre 2017
[…] Vers 7 h, j’ai vu arriver un père, sous une couverture jaune, avec une petite fille sous une couverture identique qui devait avoir 6 ou 7 ans maximum. Faute de boisson chaude adaptée, je lui ai proposé le dernier petit pain au lait qui restait, en disant : « elle serait mieux dans son lit » sous-entendu « plutôt que de faire la queue avec son père si tôt dans le froid » (ce matin il y avait - 2° à cette heure-là !)[…]
Extrait du 16 février 2018
[ …] Ce matin, Fanfan et moi nous nous sommes retrouvés pour le 96ème P’tit déj. Il y avait un peu plus de monde que d’habitude, mais pas beaucoup. Fanfan a compté 60 pour régularisation et 10 demandeurs et demandeuses d’asile. S’il ne faisait pas vraiment froid, il ne faisait pas très chaud (3° C) à 6 h, mais seulement 2 je crois vers 7 h ! C’est dire que nos boissons chaudes sont toujours les bienvenues. Ce qui fait plaisir, c’est qu’il y a parfois quelqu’un qui se propose pour donner un coup de main. C’est ce qui m’est arrivé ce matin. Un jeune s’est proposé pour distribuer les gobelets, au moins pendant un petit moment.[…]
Extrait du 1er mars 2018
[…] Ce matin en arrivant à 6 h, il n’y avait qu’une vingtaine de personnes, à peine, mais d’autres étaient tout de même là, dans leur voiture. Ils attendaient au chaud ; dehors il y avait 1° C. Puis, peu à peu les gens sont arrivés, j‘ai entendu le « releveur » d’arrivées, dire qu’il en était à 70 ! Et pas beaucoup de demandeurs d’asile.[…]
Extrait du 16 mars 2018
[…] Pour ma part, j’ai parlé avec un homme, assez jeune. A l’entendre parler, je lui ai demandé de quel pays il venait ? Il me répond qu’il est Français. – Vous êtes venu accompagner quelqu’un ? - Oui ; « ma compagne » Elle est Brésilienne, et parle fort bien le français. Je n’ai pas bien saisi s’ils étaient mariés ou non, j’ai cru comprendre qu’ils habitaient près de Longjumeau. Ils se rendent donc à Palaiseau… où il leur est répondu qu’il faut aller à Evry ! – Ils viennent donc à Evry où on leur dit qu’il faut aller à Palaiseau… ? ? ? Et aujourd’hui je les rencontre à Evry …. Vive la bureaucratie ![…]
Extrait du 100ème, 04 mai 2018
Ce matin il faisait plutôt frais à 6 heures à Evry : 6°C ! Brrr ! Nous avons vu deux jeunes filles, aux airs de « gamines », souriantes malgré tout. A ma première proposition de café, elles ont répondu négativement. L’une d’entre elles était vêtue d’un chemisier d’été, et en plus elle était pieds nus dans de petites savates. A la deuxième proposition, de thé, ayant un peu insisté, la « moins vêtue » a fini par accepter le thé chaud. A ce moment, elle avait les deux pieds enfouis (c’est plutôt relatif !) dans la capuche, bordée d’une petite fourrure, d’un anorak. Elle a bien fini par admettre qu’elle avait froid ![…]
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