Les routes clandestines (Serge Daniel)

Serge Daniel sera-t-il salué comme l’a été l’auteur de « Tête de Turc » ? En tout cas leurs méthodes ne diffèrent guère : enquêter sous une fausse identité. « Les routes clandestines : l’Afrique des immigrés et des passeurs » que viennent de publier les éditions Hachette est un ouvrage qui résulte d’une enquête. L’auteur, déguisé en migrant clandestin, a trouvé la matière de son oeuvre, en voyageant comme les sujets de son enquête.

Le livre aurait pu s’intituler aussi « ABC de la migration clandestine », car aucun aspect de ce phénomène ne semble échapper au narrateur.

Dans un langage simple, l’auteur, le journaliste Serge Daniel, rend le résultat d’une enquête de 4 ans qui l’a conduit de Lagos, capitale du Nigeria, à la fameuse enclave espagnole de Ceuta. L’initiative lui serait venue d’un choc. « En 2004, au cours d’un reportage en plein coeur du Sahara pour Radio France Internationale (RFI) et l’Agence France Presse (AFP), je me suis retrouvé, au détour d’un promontoire, nez à nez avec un groupe de ressortissants d’Afrique noire gisant quasi inconscients près d’un pick-up immobilisé », a-t-il écrit dans l’introduction du livre.

Selon l’auteur, le monde des clandestins ouvre ses portes sur un triptyque qui repose inévitablement sur l’hébergement, les transporteurs et les passeurs. Ces éléments constituent les clés de la migration clandestine. Et Serge Daniel les ayant regroupés, il décide de voir clairement les merveilles des « routes clandestines ». Un peu comme René Caillé, cet explorateur français qui s’est rendu à Tombouctou sous une fausse identité.

Nous ne sommes plus au 19è siècle. Mais, peut-être en cultivant le même goût du risque que Caillié, la curiosité amena l’auteur à voyager. Des côtes ouest africaines aux terres méditerranéennes en passant par le Sahara, le journaliste s’efface. Pour ses compagnons de route, il est des leurs. « Pour aller à leur rencontre, pour faire un bout de chemin avec eux, j’ai aussi été obligé de pénétrer illégalement à l’intérieur du territoire des pays émetteurs, de transit ou de réception », a-t-il indiqué.

Se passant pour un clandestin, l’auteur est témoin de l’ambiance des camps de fortune, de la détermination des clandestins et de leurs déboires. Au Maroc, un jeune Centrafricain lui raconte sa détresse : « Moi, la nuit, je n’arrive pas à dormir. Je fais des cauchemars. Je vois tout en noir. Je vois des choses voler devant mes yeux. Quand j’ouvre les yeux, je ne vois plus rien...Quand je bois un peu d’eau, je me sens mieux, mais après, quand je ferme les yeux, je revois des choses noires ».

Le Mali est à la fois un pays émetteur de migrants et un transit pour une bonne partie des Subsahariens en partance pour l’Europe. Et dans le récit de Serge Daniel, cette centralité est manifeste à travers des lieux comme Gao, une véritable plaque tournante du trafic migratoire. Par ailleurs, les jeunes maliens rencontrés sur «  les routes clandestines » sont légion.

« Tangara Mohamed est né à Koro, au nord du Mali... Il part pour la Mauritanie et atterrit à Nouakchott. Il y apprend qu’il est possible d’aller en Europe par Nouadhibou, décide de tenter sa chance et débarque près du port. Un coxeur le prend sous son aile. Avec quinze autres ressortissants africains, il se retrouve, la nuit venue, dans une maison. Un homme habillé en tenue militaire sans galon vient les rencontrer pour les informer que le départ aura lieu le lendemain. A la place de la pirogue, ils trouvent des policiers venus les arrêter ». Une histoire qui ressemble aux autres dans ce monde à part.

Soumaila T. Diarra

11 JAnvier 2008.

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