61 - Orne

Lettre adressée au président du conseil Départemental, au préfet de l’Orne et au maire d’Alençon,

Alençon, mercredi 17 mai 2023,

M. Le Maire d’Alençon, M. Le Préfet de l’Orne, M. Le Président du Conseil Départemental de l’Orne,

L’association RESF61 est plus que jamais dans l’incompréhension. En effet, ces derniers jours, ses membres ont mené plusieurs actions afin de vous alerter concernant la situation d’enfants ayant essuyé un refus de prise en charge de la part de l’Aide Sociale à l’Enfance du Département. M. le Maire, nous avons sollicité vos services pour qu’ils nous accordent leur soutien dans cette démarche. Ils ont écouté les enfants parler, ont manifesté leur sensibilité, mais à ce jour aucune solution de protection durable n’a été prise, à part la négociation de 4 nuits d’hôtel avec le département, et que vous n’avez fait suivre d’aucune autre. Nous nous sommes de nouveau adressés à vos services et avons été obligés, à la demande de ceux-ci, de quitter la mairie sous les yeux des nombreux policiers appelés pour nous en convaincre. Depuis ce jour, aucun conseiller de la majorité municipale ne s’est ému du sort de ces enfants en venant prendre de leurs nouvelles. Une cellule de crise
avec les autres services du département doit faire des propositions de logement pour le 31 mai, nous avez-vous dit. Nous espérons que cette promesse sera tenue. M. le Préfet de l’Orne, vous vous êtes engagé, par l’intermédiaire de votre secrétaire générale et dans le cadre du financement de vos missions d’hébergement d’urgence, mais sans que les solutions que vous nous proposiez ne répondent aux besoins spécifiques des enfants : héberger des enfants ne fait pas partie de vos prérogatives. Vous avez cependant, sans aucune présomption de minorité, voulu faire entrer les enfants dans des démarches qui ne sont pas faites pour eux et dont vous connaissez évidemment les risques. Nous vous demandons, si ce n’est déjà en cours, d’organiser avec le Conseil Départemental, la Mairie et les organismes logeurs un hébergement des jeunes concernés dans la durée et avec la garantie qu’aucune mesure ne sera prise allant à l’encontre des démarches pour
la reconnaissance de leur minorité. M. le Président du Conseil Départemental, vous avez choisi de vous exprimer dans la presse pour indiquer que vos services suivaient les procédures en matière d’évaluation de la minorité des jeunes et avez préféré exprimer vos doutes sur la validité de leurs papiers plutôt que de considérer le danger que leur faisait encourir votre suspicion. Nous sommes atterrés, en vous entendant partir du principe que des enfants mentent, de savoir que vous êtes, de par vos fonctions, le protecteur de tous les enfants du territoire ornais qui ne bénéficient pas de la protection de leur famille. Nous vous demandons pour les jeunes qui à l’avenir s’adresseront à l’ASE de prendre en compte les documents présentés et d’apporter la protection à laquelle ils ont droit, conformément aux Conventions internationales et aux Droits de l’Enfant.
Démunis face à cette situation dramatique, nous avons demandé la protection de ces enfants à l’église d’Alençon. Nous adressons au père Giquel Destouches toute la gratitude des enfants qui y ont passé des nuits précaires mais sereines et entourées de toute la chaleur de son accueil. Si un juge venait à reconnaître la minorité ne serait-ce que d’un seul de ces enfants, chacun se souviendra que l’engagement de cet homme a été pour quelques nuits le seul rempart face aux considérations comptables des autorités publiques qui avaient mené un enfant à la rue. La situation est aujourd’hui bloquée dans la mesure où l’avis du conseil départemental semble faire foi aux yeux de l’ensemble des acteurs, alors même que les enfants disposent de documents d’état civil, émis par les Etats souverains de leur pays d’origine, qui attestent de leur minorité. Le litige central porte donc sur la validité de cette évaluation de minorité qui interdit toute autre forme de solution.
Nous demandons depuis le début de notre mobilisation que ces enfants soient mis à l’abri le temps que la
justice se prononce sur la question de leur minorité. Mais plus largement, et pour éviter que la situation ne se
reproduise à l’avenir pour d’autres enfants, nous demandons que les procédures d’évaluation de l’ASE fassent
l’objet d’un questionnement approfondi de la part d’une autorité indépendante.
C’est pourquoi nous saisissons ce jour le défenseur des droits afin qu’il puisse se prononcer sur les
procédures d’évaluation mises en œuvre par le Conseil départemental de l’Orne et leur conformité aux
obligations fixées par le Comité des droits de l’enfants de l’ONU.

Pour RESF 61, collectif de citoyens, d’associations, d’organisations syndicales et politiques