92 - Hauts-de-Seine

Lettre ouverte à Monsieur le Président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine

Monsieur le Président du Conseil départemental,

Depuis le 31 août 2020, une vingtaine de jeunes majeurs jusque-là pris en charge par le département, lycéens, apprentis, en instance de formation, sont effectivement mis à la porte de leurs hôtels ou le seront très prochainement si vous persistez à refuser ce qui est la mission de l’Aide sociale à l’enfance, c’est-à-dire accompagner les jeunes isolés jusqu’à la fin de leur formation et l’accès à l’autonomie.

De nombreux citoyens, des élus vous ont interpellé pour vous demander de revenir sur ses décisions et vous avez commencé à répondre à certains d’entre eux...

… Ou plutôt vous avez décidé d’utiliser une méthode éprouvée pour tenter de discréditer, aux yeux de ceux qui leur apportent leur soutien, les jeunes majeurs que vous remettez à la rue : pour justifier vos décisions, que vous savez injustifiables au regard de leurs parcours, vous avez décidé de les "accuser de la rage"... sans doute en pariant sur le fait qu’il restera bien quelque chose de ces insinuations ou de ces accusations, même si elles ne correspondent pas à la réalité.

Les jeunes sont malheureusement habitués aux mensonges du département sur les conditions de leur prise en charge. Les affirmations sur la qualité de la prise en charge et de l’accompagnement des mineurs et jeunes majeurs dans les hôtels se heurtent pourtant à la réalité, constatée par les membres de notre réseau, mais aussi par tous ceux qui sont amenés à s’intéresser au sort de ces jeunes (la presse, les élus, les personnels de l’Education nationale, des missions locales, des Espaces Dynamiques d’Insertion, des centres de santé, des CFA...).

Mêmes les personnels de vos services n’hésitent plus à nous expliquer que la politique que vous menez est inacceptable et ne respecte pas la dignité des jeunes qui vous sont confiés. Tout simplement parce que les moyens, financiers et humains, manquent dans un département qui n’a pourtant aucune difficulté financière. C’est bien cette pénurie de moyens qui met les personnels de l’Aide sociale à l’enfance en difficulté, en ne leur permettant pas d’assurer de manière simplement convenable le suivi socio-éducatif des jeunes dont ils sont les référents.

Mais vous avez décidé d’aller plus loin en assénant des accusations mensongères à leur encontre : les jeunes majeurs remis à la rue seraient « violents et menaçants ».

Nous avons déjà été les témoins de ce type de manœuvre de diversion, par exemple devant les tribunaux : tel jeune majeur est présenté par vos services comme un trafiquant de drogue, tel autre comme un psychopathe dangereux, parfois les deux à la fois... pour justifier sa remise à la rue.

Vous osez donc expliquer que les jeunes ont été remis à la rue parce qu’ils représentaient une menace pour les personnels du département.
Mais aucune plainte n’est déposée, aucune enquête de police n’est diligentée et aucune condamnation n’est prononcée par la justice contre ces jeunes que vous présentez au final comme des « sauvageons ».

Tel jeune majeur, qui n’attend qu’une chose, c’est d’entamer son contrat d’apprentissage en plomberie en ayant un toit sur la tête, un sauvageon ? Telle autre, qui n’a jamais été scolarisée alors qu’elle avait une affectation en lycée, parce que l’ASE ne l’a pas accompagnée pour s’inscrire, une sauvageonne ? Tel et tel autre, qui ont tous les deux reçu les félicitations du conseil de classe lors de leur dernière année scolaire, des sauvageons ?

Vos arguments ne trompent personne et font pschitt !

Car ce qui est violent et maltraitant, c’est de laisser à l’abandon pendant des mois et des mois, des dizaines de jeunes dans des hôtels, sans aucun suivi socio-éducatif, sans pass Navigo, sans vêtements de rechange quand ceux qu’ils avaient en arrivant en France sont usés, sans accès aux soins, sans accompagnement pour les démarches de scolarisation...

Monsieur le Président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine, dans un Etat de droit, ces accusations "à demi-mot" sont peu dignes d’un élu qui exerce une fonction aussi éminente que la vôtre.

Nous vous demandons d’assumer le fait que le département le plus riche de France a fait une erreur en transformant en SDF une vingtaine de jeunes qui sont tous insérés dans des parcours de formation.

Ces jeunes se forment aux métiers indispensables qu’unanimement la société française a applaudis sur les balcons pendant le confinement : boulanger, électricien, aide à la personne... Ce sont ces jeunes « de l’ASE », comme on les appelle, appréciés de leurs formateurs et de leurs patrons, qui s’y préparent et les exerceront demain.

Nous vous demandons donc d’assumer de tous les reprendre en charge pour réparer cette erreur et sortir par le haut de cette crise que vous avez créée.

Salutations républicaines.

Le Collectif RESF MIE 92