N’AUTRE école / RESF : le coeur a ses réseaux...

Dossier/ Terrains de lutte
 

RESF le coeur a ses réseaux...

L’action du Réseau éducation sans frontière (RESF) a non seulement ébranlé la politique du pouvoir en place, mais elle a aussi secoué bien des certitudes militantes. Après avoir proposé l’interview d’un des fondateurs du réseau (n° 08/9), après avoir rappelé l’évidence de notre engagement dans ce combat (n° 14) nous revenons sur les modes d’actions et de fonctionnement de ce réseau vraiment pas comme les autres.

 
 

RESF : qu’est‑ce que c’est ?

JE SUIS DE CEUX qui ont été engloutis par RESF. Sollicité pour la défense d’une famille chinoise de mon collège, j’ai d’abord contribué à la création d’un comité de soutien, et puis me voilà comme tant d’autres courant les aéroports en plein mois d’août pour empêcher le départ d’un jeune majeur passant des heures à confectionner des dossiers alors que la paperasse me fait horreur, découvrant des dizaines d’autres parisiens hyper‑actifs et très nombreux dans mon 20ème arrondissement. Mais derrière la fébrilité de tout mouvement de masse (la ferveur de ces rassemblements devrait les écoles de Belleville le 5 juillet, quand a‑t‑on vu ça avant ?), j’ai été curieux de voir « comment ça marche ? ». La première chose qui m’a frappé de ce point de vue, c’est la très grande réactivité du réseau ; alors que dans une organisation militante personne ne se bouscule au portillon pour assurer telle en telle tâche, à RESF, ça tourne : qu’il s’agisse de répondre à une question juridique sur une liste interne, d’aller protester devant un commissariat, de s’opposer à une rafle à Belleville (encore !), aussitôt dit aussitôt fait ; même chose pour les cas urgents : quand il faut entourer de plus près une famille menacée, il y a des volontaires qui apparaissent... C’est là aussi une seconde caractéristique : on rentre et on sort sans comptage ; ni cotisation ni carte, et on ne sait pas combien on est. D’ailleurs, qu’est‑ce qu’un individu RESF ? Un militant ? Souvent, à l’extrême même, comme en période de grève. Mais ce sont aussi les trente membres de la petite liste internet de mon établissement, présent le jour d’un parrainage, presque tous là le jour du pot pour la régularisation du parent d’élève, lisant attentivement les messages ‑ et contents d’être de ce côté‑là, disponibles mais dont les soirées restent familiales. Y a‑t‑il même une étiquette ? Les parents d’élèves d’une école proche défendent les familles sans‑papiers, deux d’entre eux ont participés aux dépôts collectifs qui démarrent de l’Hôtel de ville vers la Préfecture de police : sont‑ils RESF ? Je ne leur ai jamais posé la question, eux ne se la sont sans doute jamais posé non plus. Une autre école m’a par contre demandé d’être là pour lancer leur comité : au bout d’un quart d’heure, je leur ai dit qu’ils étaient assez grands, et voilà ; ce matin, une instit d’une troisième école me parle d’une réunion possible : elle a découvert que sa jeune et timide collègue avait beaucoup aidé une famille, que des parents... en fait ça fait plusieurs mois que ça dure, dans une ambiance RESF, sans être formellement dans le réseau. Bien sûr je pense qu’il est plus efficace d’être coordonnés, et ça se fait peu à peu.

Mais là‑dedans, qui décide ? Les arrondissements parisiens ont leurs propres réunions, prennent date pour tel rassemblement ou telle attitude (faut‑il rappeler la police pour avoir des rendez‑vous ou vaut‑il mieux attendre ?). Même genre de question lors des réunions quasi‑mensuelles au siège de l’Emancipation : est‑ce qu’on s’occupe de la question du logement, qui écrit le communiqué, la lettre, Ie tract ? Pas de vote, une avancée au consensus plus ou moins général. On s’engueule quelquefois (mais moins que sur les listes internet), mais rarement sur des points de divergence politique. Non qu’il n’y ait de divergences : entre ceux qui n’ont que « la république » à la bouche et beaucoup de respect pour « les élus » et ceux qui pensent au contraire qu’il y a un fossé d’intention entre eux et nous, il y a eu plus d’une discussion ; le point d’accord a été : on travaille avec tout le monde, mais tout dépend qui sert qui ; nous pouvons (?) nous servir des élus, ce n’est pas à eux de se servir de nous. Position fragile, et de plus en plus fragile sans doute dans les semaines à venir, mais ça permet à tout le monde d’avancer.

 

Les listes internet permettent de diffuser l’info, surtout pour les urgences, et de discuter ; les plus utiles sont les mini­-listes par arrondissements, par quartier voire par comité, ou par sujet, où les gens se connaissent et se respectent ; les grandes listes donnent lieu comme toutes les listes à quelques mesquins débordements, sans conséquences.

Et les militants, là ‑dedans, « les vrais », ceux qui militent dans une organisation et diffusent des idées ? Eh bien d’abord on en voit peu, aussi bien à gauche qu’à l’extrême gauche : parmi la centaine de gens que je côtoie fréquemment, trois membres de la Ligue des droits de l’homme, un militant du PC, un ou deux sans doute au PS, deux syndicalistes de Sud tendance fédérale (et aucun de Sud parisien), de rares cénétistes.... Aucun membre du SNES, beaucoup de FCPE (mais est‑ce une organisation militante ou un réseau aussi ?). Les encartés sont bien cachés ou peu présents. Sans doute les militants sont‑ils déconcertés par l’absence de références idéologiques, de codes langagiers, par la pluralité des personnes et des choix. Pas de combats internes, de clans, de structures à contrôler, ça doit leur faire bizarre, alors on ne les voit pas. Ou peu. Ou comme tout le monde.

Et sur le plan national ? D’abord j’ai l’impression d’une différence Paris‑ville/ reste de la France, mais je n’en sais rien au fond. J’ai eu l’impression que dans bien des endroits, RESF était plus an cartel d’organisations. Impression fausse ? Les réunions nationales, en tout cas, m’ont bien plu : interventions posées, vraies oppositions (à la dernière : faut‑il une représentation des organisations constitutives du Réseau ‑ pour moi, c’est NON !), bonne écoute entre une petite centaine de personnes qui se sont déplacées des quatre coins de la France : pas de mandats, de motions, de contre-motions, ça n’empêche pas de discuter et, espérons‑le, d’avancer. Pas forcément dans le bon sens : la Liste dit « burot », où l’on discute par exemple des communiqués, ne serait réservée qu’à quelques représentants par ville ou région alors qu’elle est aujourd’hui ouverte à tous (avec les risques et les encombrements possibles).

Représentation plus équitable et plus responsable ou apparition du petit groupe qui décide, même si les délégués sont révocables et contrôlés : il y a débat.

RESF n’est pas le paradis, de même qu’aucune expérience collective. À présent on y lutte, on y vit, avec toutes sortes de gens, dans une structure où le local agit et décide. Un ensemble de gens bien différents, dont certains auraient la tête farcie d’illusions (et qui penseraient la même chose de moi) mais qui essaieraient d’aller vers plus d’égalité.







N’AUTRE école
CNT-FE, 33 rue des Vignolles, 75020
nautreecole@cnt-f.org
http://www.cnt-f.org/fte/rubrique.php3?id_rubrique=8
http://www.cnt-f.org/fte/rubrique.php3?id_rubrique=27