Nord Eclair / Se penser soi-même « Autre »

Guillaume Le Blanc a publié en octobre son ouvrage « Dedans, dehors, la condition d’étranger ». Avant sa conférence, ce soir, il revient sur la construction de cette notion à travers l’histoire et son actualité dans la France d’aujourd’hui.


Après son travail « Vies ordinaires, vies précaires » en 2007, Guillaume Le Blanc a été amené à penser la question de l’Étranger. « Sangatte, le démantèlement de la jungle de Calais, ou la traque aux Roms, c’est la même logique d’administration de l’Étranger pour rendre invisible ». Avec un point de vue de philosophie politique, il revient donc sur les mécanismes de stigmatisation des vies. La création d’un « dehors » par opposition à un « dedans ».
Qu’est-ce qu’être étranger ? La figure n’a pas toujours été celle d’une victime. « Le colon étranger fait de l’autochtone un étranger dans son propre pays ». L’étranger peut aussi, sans vaincre ses hôtes, choisir de rester « au dehors », comme les touristes ou les hommes d’affaire. Mais le plus souvent, et c’est sur cette figure que se penche Guillaume Leblanc, l’Étranger est désigné comme tel et rejeté à la frontière.


Les polémiques autour des Roms, de la déchéance de nationalité ou de « l’identité nationale » révèlent une crise de définition de la nation, qui a besoin de renvoyer une population à la frontière pour mieux se penser comme telle. « En délimitant la possibilité d’un dehors, on va créer la fiction du dedans » explique le chercheur, renvoyant aux réflexions de Simmel.

L’Étranger fait peur. « Il est le nouvel ennemi intérieur, dépassant et englobant le fou, le vagabond ou le criminel ». Or la réalité, l’histoire d’un pays est faite d’emprunts permanents, d’hybridations vitales. L’opposition dedans/dehors va au-delà du rapport aux frontières nationales. Elle envoie également aux mécanismes, à l’intérieur de la nation, de relégation sociale, spatiale, de discriminations qui font que ce dehors se forme au coeur du dedans.

La clé de l’ouvrage relève de la capacité de chacun à se penser soi-même comme Autre, à fréquenter ce que Deleuze appelait son « peuple intérieur ».

« Si je suis ami avec mes Autres, je peux alors ouvrir ma citadelle à l’extérieur » explique Guillaume Le Blanc, se référant à Derrida. De l’Autre « menace » à l’Autre « possibilité de rencontre. »

NOÉMIE COPPIN

 

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