Contrairement à ce que pouvait laisser entendre une interview qu’elle a accordée ce lundi matin, la romancière Marie NDiaye ne renie rien des propos qui lui ont valu d’être si bizarrement rappelée à l’ordre par Eric Raoult ce mardi. Et en appelle à son tour à Frédéric Mitterrand, pour qu’il « mette un point final à cette histoire ridicule
». Entretien exclusif, sur BibliObs, avec le prix Goncourt 2009
(c)Baltel/Sipa
Marie NDiaye est née à Pithiviers en 1967. Découverte par Jérôme Lindon, elle est l’auteur d’une douzaine de livres, dont « Rosie Carpe », « la Femme changée en bûche », « la Sorcière » ou « Hilda ». Elle vit à Berlin, et vient de recevoir le prix Goncourt 2009 pour « Trois femmes puissantes ».

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Obs.- Après la diffusion, sur Europe 1, d’une interview dans laquelle vous reconnaissez avoir tenu des propos « excessifs » à l’encontre de Nicolas Sarkozy, on dit partout que le texte d’Eric Raoult vous a fait revenir sur vos positions. Est-ce vraiment le cas ?
Marie NDiaye.- Cela vient d’une interview que j’ai accordée lundi matin à Berlin, avant d’être informée de l’existence de ce texte dans lequel Eric Raoult en appelle à Frédéric Mitterrand, et dont je n’ai pris connaissance que lundi soir. Il me semblait alors important de ne pas adopter, ni pour moi ni pour mon mari Jean-Yves Cendrey, la posture d’écrivains des années 1930 fuyant le fascisme, puisqu’il est évident qu’il ne s’agit pas de cela.
Mais depuis lundi matin, le contexte a changé avec la publication de ce texte grotesque et hallucinant d’Eric Raoult. Il n’est plus nécessaire d’affiner mes propos antérieurs, que je maintiens.
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Obs.- Y compris lorsque vous dites que la France de Nicolas Sarkozy a pour vous un côté « monstrueux » ?
M. NDiaye.- La manière dont depuis deux ans et demi on s’attaque au problème de l’immigration est à mes yeux inacceptable. Ce dont s’occupe le Réseau Education sans Frontières, par exemple, la manière dont on va chercher des enfants sans papiers dans leur école, est révoltante.

BibliObs.- Qu’attendez-vous à présent de Frédéric Mitterrand, puisque c’est à lui que s’adressent les doléances d’Eric Raoult, et comment expliquez-vous son silence ?
M. NDiaye.- J’attends qu’il réponde enfin à la question que lui pose Eric Raoult, qu’il prenne clairement position sur cette affaire, et mette un point final à cette histoire ridicule. Son silence est mystérieux, et ressemble à un silence embarrassé, alors qu’il n’y a me semble-t-il aucune raison de l’être.
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Obs.- Etes-vous surprise et affectée par cette polémique ?
M. NDiaye. - Surprise par les propos d’Eric Raoult, qui dépassent en ridicule tout ce qu’on peut imaginer, oui. Affectée, non.
Propos recueillis par Grégoire Leménager
(ce mercredi 11 novembre à 17h)
PS. Aux dernières nouvelles (19h), Frédéric Mitterrand, qui avait pourtant soutenu un grand artiste nommé Roman Polanski avec l’enthousiasme que l’on sait, n’a pas l’intention de répondre à Eric Raoult. Sinon, peut-être, par écrit - soit le plus discrètement possible.
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Au coeur d’une polémique sur la liberté d’expression, la romancière Marie Ndiaye, lauréate du prix Goncourt 2009, a enfoncé le clou ce jeudi sur France Inter. Mise en cause par le député UMP Eric Raoult pour ses propos sur la France « monstrueuse » de Nicolas Sarkozy, l’écrivain rétorque : « Le devoir de réserve s’applique aux fonctionnaires, je ne suis pas une employée de l’Etat que ce dernier aurait récompensée.
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Par Grégoire Leménager
On ignore si Monsieur Eric Raoult, député UMP de Seine-Saint-Denis et maire du Raincy, a ouvert « Trois Femmes puissantes », qui a reçu le prix Goncourt la semaine passée. Mais on sait désormais qu’il lit les « Inrockuptibles », à qui Marie NDiaye avait accordé une interview à l’occasion de la sortie de son livre. (c)Capman/Vincent/Sipa Eric Raoult
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