Pascale Laporte, assistante sociale
« Bon anniversaire à vous : ça me rappelle tant de moments forts en émotions de toutes sortes et en rencontres et solidarités exceptionnelles :
01 juin 2005 : 1ere réunion des organisations départementales dont les directions nationales étaient signataires de l’appel de RESF lancé par Richard MOYON à l’époque et des structures et autres assos et collectifs yvelinois, à l’appel de notre Collectif d’établissement : lycée Vaucansson des Mureaux ; cette année-là nous avions 17 lycéens concernés et une quinzaine de profs référents avec moi ! Les 2 premiers jeunes qui ont ramené toutes les infos nécessaires au démarrage du Collectif puis de RESF 78, les avaient eues auprès de la Coordination Nationale des Sans-papiers à Saint-Denis : je les y avais emmenés pour nous informer :
Florence OBAMI du Congo Brazzaville et El Houssine Saidi du Maroc ; je suis toujours en contact avec eux ; ils semblent bien mener leurs vies !!!
J’ai régulièrement des nouvelles de ces jeunes qui sont maintenant adultes et insérés, parents, français pour certains.
Certains d’entre eux ont tissé des liens encore présents aujourd’hui au-delà des origines, des religions etc. : formidable humainement, mais quelle souffrance, quelles épreuves et quelle résilience pour beaucoup !
Franchement merci à toi Odile de faire vivre ce réseau, d’être si disponible et fiable pour les jeunes et pour nous les professionnels !
A bientôt.... D’autres luttes (les mêmes ?!) demandent notre énergie et notre solidarité en ce moment : allons -y !
Merci encore »
Pascale Laporte, assistante sociale au lycée des Vaucanson des Mureaux en 2005.
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EXPULSION DE ROMS A ANTIBES A LA VEILLE DE LA RENTREE SCOLAIRE 2008 :
« Alors, je vais vous raconter les principes, car pour l’avoir vécu hier en direct, je cherche et les principes et la fermeté.
Veille de l’expulsion : Amnesty international appelle la préfecture pour savoir ce qui se passera : la préfecture affirme qu’il n’y a que 12 familles qui seront expulsées, qu’il n’y a pas d’enfants scolarisés dans ces familles et que trois chambres d’hôtel ont été prévues pour les familles avec souci de santé. En effet, il n’y a que la moitié du terrain qui est visé par l’expulsion, et la plupart des gens se sont déjà regroupés dans la partie non expulsable, qui appartient à la mairie. LA PREFECTURE MENT
Jour de l’expulsion : 7 h du matin. Tout le camp est évacué. La police refuse de laisser sortir les caravanes. Puis elle accepte. Puis elle refuse à nouveau sans raison. Puis elle accepte. Dès que les habitants auront garés leur caravane dans la rue pour attendre des solutions d’urgence, la police va les emmener en fourrière, puisqu’elles sont garées illégalement dans la rue. LA POLICE HARCELE.
8 h du matin. Les habitants du camp et les militants associatifs sont repoussés de l’entrée du camp. Nous nous retrouvons avenue Salvador Allende et nous décidons de faire une manifestation assise au milieu de la rue. La police bloque la circulation pour nous protéger. Petit à petit, il fait chaud, les enfants ont faim. Une personne part et va chercher du pain et de l’eau. Lorsqu’elle revient la police interdit que le pain et l’eau soient donnés, et elle bloque cette personne loin de nous. Puis elle accepte. Puis elle refuse lorsqu’une autre personne va également chercher du pain. Puis elle accepte à nouveau. LES ENFANTS ONT UNE BIEN ETRANGE VISION DE LA PAROLE DE L ETAT.
10 h du matin. Nous sommes toujours dans la rue. Lorsque les gens finissent par avoir envie de faire pipi, la police explique que ceux qui sortiront du dispositif ne pourront pas y rentrer. Alors les mamans déplient une couverture, la tendent le long du trottoir, et s’abritent derrière pour uriner. La police se moque ouvertement de ces pauvres femmes. Je me tourne vers une policière et je lui demande : Vous feriez comment à leur place ???
11 h : Une petite fille a fait caca sur elle. Son père me l’apporte, ne sachant que faire. Deux autres enfants me demandent à aller faire caca aussi. Je négocie avec la police pour sortir avec trois enfants et aller jusqu’à mon école, la laver et la changer, et permettra aux autres de faire caca plutôt dans les WC. La police m’interdit de sortir, puis accepte mais à condition que je fasse le tour d’un pâté de maison c’est à dire qu’ils vont m’interdire de prendre la rue qui va à l’école, m’obligeant à faire le tour de trois rues complètes, avec deux petites filles mourant d’envie de faire caca, et un bébé de 4 ans pour qui c’est déjà trop tard. LA POLICE ABUSE DU POUVOIR QUE LA FORCE LUI DONNE.
13 h : La police qui est épuisée comme nous d’être en plein soleil nous propose de nous installer sous un pont un peu plus loin à l’ombre. Un homme s’est évanoui. Les pompiers sont venus le chercher. La préfecture explique qu’ils ont trois chambres d’hôtel, et il y a plus de 100 personnes sous le pont. Nous attendons. LA PREFECTURE MENT ENCORE, car le préfet peut réquisitionner un hébergement et ne le fait pas.
17 h : La policière propose aux gens qui le souhaitent d’appeler le 115. Une famille, dont la femme a le cancer et a des soins lourds accepte. La policière reste plus d’une heure en attente, avec la petite musique énervante que tous ceux qui ont appelé le 115 connaissent. Puis le 115 répond qu’en cas d’expulsion, les hébergements dépendent de la préfecture. La policière appelle la préfecture. La préfecture lui donne le n° de téléphone de la DDE....qui ne s’occupe pas du tout de l’hébergement et qui de toutes les façons ferme à 17 h. La policière est dépitée. LA PREFECTURE SE MOQUE DE LA POLICE...
19 h : Les policiers nous disent qu’ils vont partir et qu’ils vont rétablir la circulation. Ils proposent aux Roms d’aller se faire héberger dans d’autres camps roms, chez des amis ou dans leur famille.
Nous doublons les policiers et nous partons nous installer devant la mairie. Là encore, la préfecture refuse d’ouvrir des hébergements, la mairie refuse d’ouvrir un gymnase. Les enfants et leurs parents vont dormir dehors. LE MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE DIT VEILLER A LA RENTREE SCOLAIRE DES ENFANTS !
20 h : La mairie nous informe que les familles pourront réintégrer la partie non expulsée du camp à la fin des travaux. Sans date. Peut-être la semaine prochaine. On ne sait pas.
Mais dans quel état seront ces enfants dans une semaine ? physiquement, psychiquement ?
Qui peut croire qu’ils seront disponibles pour apprendre ?
Qui peut croire que réinstaurer des règles de droit avec eux sera simple ?
LA RENTREE DES ELEVES AURA LIEU MARDI 3 SEPTEMBRE. MAIS CELLE DES ELEVES ROMS ? »
Richard
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Comme une phobie administrative à l’égard des étrangers (bien avant la simplification et la dématérialisation)
« Ce jour, j’ai accompagné vers 10 h, à sa demande, une personne, ayant fait une demande de permis de séjour VPF suivant la circulaire du 28 novembre 2012, demande faite au début de janvier 2013, une personne souhaitant "avoir des informations sur le devenir de son dossier".
Cela a été dit au pré-accueil du guichet N°1, à Madame la Responsable de ce guichet, que cette personne souhaitait des informations sur son dossier.
Madame la Responsable a répondu "nettement et fermement" que, montrant la feuille 21x29,7 placée au-dessus du guichet, qu’il s’agissait du Pré-Accueil étrangers, Asile, TIR/DCEM/ Titres de voyages, Visa de retour, que ce guichet n’avait pas à répondre. Qu’il fallait écrire à M. le Préfet.
J’ai indiqué que RESF06 avait rencontré Monsieur le Préfet, M. M, Mme L et que M. le Préfet avait demandé d’améliorer l’information demandée par les personnes.
Réponse "nettement et fermement" de Madame : "Nous n’avons pas reçu de consignes en ce sens".
Avec M. JP, nous avons eu le plaisir de converser, vers 12 h, avec M. T, adjoint de Mme B, ce monsieur étant venu nous saluer.
Je lui ai dit les faits ci-dessus.
Il nous a dit ne pas savoir les dires de M. le préfet, et qu’il allait s’informer auprès de Mme L. son adjointe présente à la réunion.
Nous lui avons dit l’attente des familles
Réponse en vrac de M. B :
Vous savez bien qu’ILS attendent depuis longtemps ! Déjà 4 mois ! Quelques mois de plus ... ILS peuvent encore attendre !
Qu’il y avait 3000 dossiers à traiter. Que cela coutait 300.000 euros pour le personnel embauché.
Que 48 % des dossiers avaient été traités avec des réponses : par OUI par NON et par Demande de compléments des dossiers à traiter ensuite sur le fond
(Comprenons bien que parmi les 48%, certains ne sont pas encore traités "au fond")
Que 52% des dossiers n’étaient pas ouverts
Que c’était un gros travail, ... alors que tout cela c’était pour "peut-être 20% de réponses positives" »
Michel C. en 2009
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« Je tiens à porter à ta connaissance et à votre groupe qui s’occupe des mineurs la situation suivante :
Hier pendant mon travail au CRA, un policier est venu me chercher pour me demander si je ne pouvais pas conseiller un jeune mineur qui était dehors, dans l’enceinte d’Auvare (Police Nationale) venu se présenter pour de l’aide.
Je sors donc de mon bureau et du CRA. Je vois un jeune kosovar accompagné d’un jeune homme d’une vingtaine d’années et des policiers autour d’eux. Je m’approche et le jeune homme me dit que ce jeune kosovar s’est adressé à lui dans la rue pour chercher de l’aide. Lui-même ayant été élevé dans un foyer, connaissait la démarche et a donc accompagné le jeune homme à la police. Lorsqu’ils se sont présentés tous les deux au guichet d’entrée, le policier leur a dit d’attendre et a appelé une policière. Celle-ci qui doit être une gradée, leur a dit qu’elle ne pouvait rien faire. Lorsque le jeune homme a dit "Mais il faut prévenir le procureur", elle a dit OK. Puis un peu après, elle est revenue. C’est à ce moment-là que je suis arrivée. La policière me dit "J’ai prévenu le procureur mais celui-ci me dit que ce n’est pas son problème."
J’ai insisté qu’on ne pouvait laisser un mineur dans la rue. Le petit avait un acte de naissance original sur lui. Il a quinze ans. Après avoir insisté sans aucun résultat, j’ai appelé Alain puis Hubert. Ils m’ont donné le téléphone du Juge Jacquemin et de Me Mireille Damiano. Tous les deux étaient injoignables. J’ai appelé la copine de mon fils qui travaille pour l’ASE. Elle m’a conseillé alors de les diriger vers le Tribunal et voir le Juge pour enfants. Ne pouvant m’absenter de mon travail j’ai écrit une attestation avec entête Forum Réfugiés et signé pour constater ce que j’ai vu et j’ai dirigé le jeune homme (qui était décidé à ne pas laisser tomber le petit) vers le Tribunal pour aller voir le Juge pour enfants. »
Inès – en 2012
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Février 2014
Expulsion avant-hier, aux HLM St Charles, sous une pluie battante – une femme seule et 4 enfants – des militant-es y étaient
« Ci joint quelques photos de l’expulsion après le passage des flics une bonne dizaine ou plus, avec 5 chiens, tout de même ! Pour faire face à 2 gamins, mineur-e-s,14,13 ans
D’après le récit de K, fille de M, les flics sont rentrés dans l’appartement en force, ils ont cassé la porte, et ont demandé aux deux enfants de les suivre dans leur voiture via le foyer.
Ils auraient saisi les enfants par le bras pour les forcer à sortir, en l’absence de tout adulte, la mère étant partie amener les 2 petits à l’école, les 2 autres étaient là car grippés.
K a répondu à l’agent qu’il n’avait pas le droit de les toucher car mineurs, et encore moins de les embarquer en l’absence de leur mère.
Ils ont dans un premier temps confisqué et fouillé son portable, puis comme elle insistait pour prévenir sa mère, il lui a tendu le sien.
Finalement, elle a pu récupérer son portable pour appeler sa mère et V.
Les flics ont tout renversé dans la maison, sans casse, literie, vaisselle, prétextant qu’ils cherchaient de la drogue !
Ce à quoi K a répondu qu’ils avaient autre chose à faire, particulièrement étudier en France.
Quand elle s’est mise à pleurer, le flic lui a dit qu’il n’y avait pas de quoi !
Et K de lui répondre, si on vous mettait dehors et qu’on jetait toutes vos affaires, que feraient vos enfants ? Et l’autre « Nous, on n’est pas squatteur ! »
La petite lui a dit « Donnez-nous des papiers, laisser nous travailler et on ne sera plus squatteurs ».
De toute façon, elle veut devenir avocate, c’est bien parti !
Même les flics lui ont dit qu’elle savait trop de choses et surtout trop de lois à son âge.
J’ai rapporté son récit de mémoire et de quelques notes prises, mais je vous le transmets car cette gamine m’a impressionnée par son sang-froid malgré sa peur, elle a aussi refusé que la police les prenne en photos comme ils leur avaient demandé, pourquoi ??
Pour les affaires jetées dehors et à dégager dans la journée, c’est V. qui s’en est occupé pour trouver un véhicule et les stocker, avec l’aide de S. Grand merci
Nous vivons une époque formidable !! » Comme disait P. Desproges. »
Catherine
« Je n’ai rien à ajouter à ce récit si ce n’est que M, gravement malade et suivie par le CHU, n’en peut plus d’être pourchassée avec ses enfants... Nous nous devons de réagir et dénoncer ces actes barbares et montrer notre solidarité à cette famille.
Un grand merci à S, aux amis du DAL et aux jeunes du tremplin qui ont aidé à déménager l’essentiel des quelques biens de M ».
V.
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Ce soir je voulais vous faire part de mon indignation, de mon dégout. Pour la première fois depuis 10 ans que j’enseigne en ZEP je viens de perdre un élève en cours d’année et ça a vraiment du mal à passer. Sans doute avez-vous plus que moi l’habitude de vivre ce genre de situation mais pour moi c’est une première alors et c’est très dur.
« V. a été mon élève pendant 2 ans, enfin plutôt devrais-je dire pendant 1 an et demi puisqu’il ne finira pas son CM2 en France
Enfant un peu turbulent mais très attachant je l’avais choisi comme élève. Depuis son entrée en CM1 en septembre 2014, j’avais su gagner sa confiance et celles de ces parents.
M. et Madame A, sont arrivés en France il y a près de 5 ans. Ce sont des gens très gentils, instruits, respectueux des règles et des lois, malgré leurs situations, soucieux du bien-être de leur enfants - jamais absents, toujours impeccables - reconnaissant ne voulant jamais " déranger" et ayant à cœur de se débrouiller pour "n’embêter personne" peut être un peu trop d’ailleurs Peut être auraient-ils du frapper à plus de portes ! Avant la guerre, M. A était instituteur (ou professeur) en Tchétchénie et sa femme a un niveau d’études supérieures. Bien sûr, s’il n’y avait pas eu la guerre ils n’auraient jamais fui leur pays.
Très vite, je me suis liée d’amitié avec la maman. Nous nous croisions d’abord devant la maternelle où elle amenait sa fille Y tandis que j’amenais mon fils T.
D’abord très timide et un peu méfiante j’ai rapidement réussi à gagner sa confiance à tel point qu’elle a accepté l’an dernier que son fils parte 12 jours en classe de neige à Valberg avec les autres élèves de la classe. Bien sûr je m’étais débrouillée pour que la famille n’ait rien à payer et j’avais fourni toutes les affaires nécessaires au trousseau
Tout au long de l’année en échange des vêtements et des chaussures de mon fils ainé que je lui passais pour V., cette femme avait tenait toujours absolument à me faire des gâteaux pour me remercier.
A la rentrée, en septembre 2014 V à fait partie des élèves qui ont choisi de rester dans ma classe pour leur année de CM2. Il y tenait beaucoup et moi aussi. Il était devenu très sage, s’impliquait dans les apprentissages, et progressait très bien. On pouvait espérer pour lui une bonne entrée en 6ème dans le collège de secteur pour lequel il avait d’ailleurs reçu l’affectation. Sa sœur, elle aussi scolarisée dans notre école, en CP était elle aussi une élève très sage à la scolarité régulière.
Tout était donc pour le mieux …. Mais c’était sans compter sur la vigilance des services de l’immigration…
Mercredi matin V est arrivé effondré en classe et m’a dit dans un souffle "Ça y est maitresse, ils nous jettent ! ». Bien sûr j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’une question de logement mais non ! V m’a expliqué qu’il allait devoir repartir en Russie vendredi et que sa mère ne lui avait rien dit pour le préserver le plus longtemps possible. J’étais atterrée. Finalement il est venu ce matin car le départ n’était pas pour vendredi mais pour samedi matin.
Du coup, ce jour de plus en classe nous a permis de nous " organiser". Je lui ai demandé d’expliquer ce qui allait arriver à ses camarades. Peut-être pour ne pas avoir à le faire moi et pour que ce soit ces mots d’enfants qui leur apprennent la nouvelle. Il leur a raconté toute son histoire, la guerre, la fuite de ses parents, leurs espoirs en arrivant en France, leur quotidien - sans papiers et vivant dans un appart squatté - depuis 5 ans, avec sa peur d’être " jeté" comme il dit.
V raconte aussi sa peur de ce qu’il va trouver là-bas et de ce qu’on va penser de lui car il ne sait pas lire le russe ...Il explique que son père ne partira pas avec eux car il doit rester en France pour payer une dette, et qu’il sera seul pour aider sa mère et protéger sa sœur là-bas dans ce pays qu’il ne connait pas !
Là je vous laisse imaginer l’ambiance plombée de la classe …es mômes sont au bord des larmes et la journée ne fait que commencer. Et puis d’un coup l’un de mes élèves se lève (Jordan, un grand black d’1m60 environ ) et me dit " Bon alors maitresse, Qu’est-ce qu’on va faire ???? !!! ". Lui aussi ça fait 2 ans qu’il est avec moi, 2 ans qu’il m’entend dire que dans la vie quand on veut on peut, que tous les possibles leur sont ouverts, qu’il ne faut jamais baisser les bras …. Donc bien sûr lui aussi il y croit et bien sûr il pense qu’on va pouvoir faire quelque chose. Là tous ensemble pour que son " pote" reste en France. Pour lui ça ne fait pas de doute ...Malheureusement cette fois nous ne pourrons rien faire ! Et je ne peux que leur expliquer que s’indigner contre cette situation, contre le fait que les parents de V n’ont jamais obtenu de papiers leur permettant de rester en France et faire savoir que l’on trouve cela injuste c’est déjà beaucoup...
Finalement V est parti ce soir avec un dernier sac de vêtements pour l’été à venir et un cartable chargé de ses affaires, de fournitures neuves pour là- bas, de livres de poche en français, d’un dictionnaire de dessins et d’adresses. Nous l’avons préparé ensemble, avec les autres élèves à qui j’ai pris soin d’expliquer que je ne faisais pas ça par favoritisme mais que je ferai de même pour tout élève qui se retrouverait dans la même situation demain.
A 15h45 sa maman est venue me voir pour me dire au revoir. Je lui ai donné un sac de provisions (que j’étais allé acheter pendant la pause déjeuner quand j’ai appris que le voyage se ferait en train et durerait 2 jours !) pour qu’ils aient ce qu’il faut pour manger pendant le voyage.
J’ai proposé de les accompagner à la gare car ils ont beaucoup de valises mais la maman m’a expliqué qu’un voisin à eux leur avait proposé et qu’elle avait accepté.
Nous avons pleuré. Madame A a voulu faire avec son portable des photos de moi avec son fils, puis avec elle. Elle a tenu à me faire cadeau d’une petite bague pour que je ne l’oublie pas ...et en échange je lui ai donné le collier que j’avais au tour du cou, pour la même raison... Elle a mon adresse, mon mail et a promis de m’écrire. J’espère qu’elle le fera.
Demain matin Madame A montera avec V son fils de 10 ans et Y sa fille de 6 ans dans un train pour Grozny, parce que le pays des "droits des hommes" comme dit V les aura "jetés" malgré tous leurs efforts ...et force est de constater que c’est sous un gouvernement socialiste qu’il faut vivre ça !
Ce soir je suis révoltée, indignée et dégoutée et je ne suis sûrement pas la seule, vu la tête de mes élèves à la sortie ce soir au portail .... J’espère qu’ils le feront savoir !
Je vous souhaite quand même une bonne soirée, vous l’aurez compris la mienne sera un peu sinistre.
Je vous embrasse »
Nathalie
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Petit journal des réfugiés Dignois 2014
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Témoignage : Ça, c’est du travail d’instit ! (qui n’aura peut-être pas les Palmes Académiques (!!) mais qui aura bien mieux : le regard ébloui de petits à qui elle aura redonné espoir et confiance).
« Je voulais vous faire profiter de quelques moments de grâce qu’ont vécu mes 2 élèves M et V que j’ai eu le plaisir d’amener en classe de neige au même titre que tous les autres élèves de la classe.
Ce n’était pas " gagné" au départ mais comme vous, je ne suis pas du genre à baisser les bras !
J’ai réussi à faire obtenir à chacun d’eux une aide du Conseil général réduisant le coût du séjour de 130€ à 26€ pour les 12 jours
Le coût restant a été pris sur la coop de classe.
Le Directeur de l’école de neige, au courant de leur situation m’avait dit les accueillir avec plaisir.
Restait à préparer la valise et à trouver les tenues de ski alors, et comme par chance ils ne faisaient pas la même taille, j’ai tout bêtement décidé de les équiper avec les affaires de ski de mon fils ainé (que je garde pour mon petit dernier). De fait j’ai ainsi pu préparer pour chacun une valise contenant l’ensemble des affaires demandées étiquetées par mes soins afin qu’on ne puisse pas dire qu’ils n’étaient pas parfaitement équipés.
Enfin après avoir fait traduire des mots en russe par la femme d’un collègue de mon mari, pour être sûre que les familles aient bien tout compris, j’ai obtenu l’accord des deux familles pour ce séjour.
Il ne restait plus aux enfants qu’à monter dans le bus et à profiter de leur séjour, ce qu’ils ont fait revenant même chacun avec leur flocon !
Alors comme on dit, si c’était à refaire l’an prochain, je le referai ! »
Nat…
Mais la suite… quelques mois plus tard :
Tout ça pour ça ...dégout et indignation à l’école ! »
Témoignage d’une institutrice niçoise – avril 2015
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Courrier Picard février 2015
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Courrier Picard juillet 2015
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Petit journal des réfugiés Dignois 2015
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Petit journal des réfugiés Dignois 2016
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Courrier Picard février 2017
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Courrier Picard février 2018
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Petit journal des réfugiés Dignois 2018
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La lumière au bout du tunnel
« Un jeune couple afghan, Saïd et Leïla, avec une fillette de 4 ans, Nour, et un bébé à naître.
Nous les avons récupérés un été, il y a 5 ans, épuisés, amaigris, angoissés, dormant sur la plage, à Nice.
Ils avaient fui les menaces de viol et d’assassinat.
Ils venaient d’Iran, par la Turquie ; avaient traversé jusqu’en Grèce puis, leurs économies volées, marché de nuit en Macédoine, Serbie, arrêtés et placés dans un centre de rétention hongrois, fui par l’Autriche et l’Italie …
Plusieurs décisions contradictoires de l’administration française qui leur dit : « retour en Grèce ! » puis « droit à hébergement mais… pas de place », puis « hôtel insalubre », puis « centre d’hébergement obligatoire à 500 km » du jour au lendemain, sans affaires, alors que l’enfant était scolarisée….
Car, entretemps, nous les avions hébergés chez nous, dans un village ; un comité de soutien de simples citoyens s’était formé pour aider aux démarches, trouver nourriture, layette, cours de français… La santé et le sourire revenaient grâce à la solidarité ; Nour s’était adaptée rapidement à l’école ; une petite brunette prénommée Anne était née. Interdits de travail mais devant manger, les parents rendaient de petits services, participaient à la vie sociale et culturelle du village, faisaient des progrès en français.
Une fois « expédiés » loin de tous les lieux de démarches, ils sont restés en contact avec nous et nous avons trouvé des relais sur place. Merveille du réseau RESF ! des inconnus, dans toute la France, réagissent comme des frères !
Enfin, au bout de 5 ans de tracasseries administratives, de recours, de déceptions, de convocations à Paris, de privations, d’angoisses se répercutant sur l’équilibre psychologique de l’aînée, est arrivé le fameux sésame : l’asile leur était accordé ! Grandes réjouissances parmi toutes les équipes qui les ont accompagnés. Mais que de temps perdu ! que de souffrances qui auraient pu être évitées !
Un cercle vertueux s’est enclenché : Leïla a passé le permis de conduire (un ami avait payé les cours) ; elle a trouvé un petit travail de ménage ; elle parle et lit le français. Saïd apprend à lire ; il a commencé une formation. Ils ont des amis. Les deux enfants sont comme des poissons dans l’eau à l’école. Et ils viennent de trouver un petit appartement (grâce à un ami qui a payé la caution). Ils vivent très modestement mais les plaies cicatrisent. Grâce à des citoyens solidaires, ils ont confiance en la France. Ils construisent un avenir pour leurs enfants.
Quand on parle d’intégration, on oublie souvent qu’elle comporte trois volets : l’effort de celui qui arrive, l’ouverture de celui qui reçoit, la mise en place, par l’Etat, de facteurs facilitants. Les deux premiers volets étant très forts ont suppléé les carences du troisième. »
Aloys et Annie – RESF 06 - 2019
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"Les Yé-quoi ?" Fakir - Resf 80
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Parole de militante
« En 2008, j’ai rejoint le groupe local du RESF pour protéger deux de mes élèves, collégiens arméniens dont la famille était menacée d’expulsion, et nous avons soutenu ensuite des familles tchétchènes, géorgiennes, albanaises, kosovares qui sont toujours en France aujourd’hui.
En 2012, Blendon Gashi, jeune Kosovar handicapé était expulsé le 12 janvier sous Sarkozy. Malgré une mobilisation de 18 mois pour le faire revenir, Hollande et Valls n’ont pas cédé et Blendon a été opéré en Macédoine : il en porte encore aujourd’hui les séquelles.
En 2013 et 2014, les primo-arrivants campaient misérablement sur le trottoir de notre ville préfecture devant le CADA. Que de batailles menées ensemble pour la dignité et les droits de ces exilés !
Depuis 10 ans enfin, des jeunes venus de loin ont frappé à nos portes : il a fallu héberger, nourrir, faire protéger, scolariser, défendre, soutenir, faire régulariser ces enfants vulnérables. Des conditions d’accueil déplorables ont tué le jeune Denko Sissoko le 6 janvier 2017 à Châlons. Et les argumentaires politiciens qui criminalisent ces jeunes le montrent encore aujourd’hui : rien n’est gagné !
Agir au RESF m’a profondément transformée : je me suis affrontée à la violence et à l’injustice de nos sociétés développées, j’ai compris que des institutions que je pensais fiables étaient rongées par la défiance et le racisme. J’ai vécu l’injustice aux côtés de celles et ceux qui en dont victimes.
Mais j’ai aimé aussi… comprendre et agir, la créativité de nos mobilisations, les camarades engagés, les liens inestimables que nous avons noués avec les personnes accompagnées.
En 2018, nous avons fondé Eole pour accompagner les MNA porteurs et porteuses d’un projet d’études supérieures ; en 2019 l’association HeSoPE (hébergeurs solidaires et parrains engagés) voyait le jour localement.
Oeuvrer pour l’accueil digne, la solidarité, l’hospitalité, le respect des droits humains fait de nous les porteurs et porteuse d’une vision et d’un projet dont notre société et le monde ont plus besoin que jamais. Continuons à le promouvoir à temps et à contretemps ! »
Marie-Pierre Barrière- Resf51
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Photo de manif
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Courrier Picard 2024
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RADIO RESF
Emission du 22 juin 2024
https://reseau-resf.fr/Mercredi-19-juin-avec-le-Collectif-des-Jeunes-du-Parc-de-Belleville-Le
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