Dans la nuit de mercredi à jeudi, un jeune mineur isolé est mort dans sa chambre d’hôtel à Orléans. C’est une nouvelle très triste et dure.
Les « autorités » évoqueront sans doute une « conduite à risque »
pour s’en dédouaner. Ça ne passera pas, ça ne pourra pas passer.
Parce que pour ces mêmes « autorités » – départementales,
préfectorales, institutionnelles – les vies des jeunes isolé·es
étranger·es ne sont que des dossiers à traiter, des corps à caser à un
moment, à expulser plus tard.
Le 28 juin, le lendemain de la mort de ce jeune, la direction de
l’Aidaphi, association qui gère les programmes d’aide à l’insertion, a
annoncé qu’elle mettait à la rue, sans délai, 30 jeunes majeurs sans
papiers. Ils ne seraient pas « prioritaires ».
Il faut y ajouter les 150 jeunes majeur·es isolé·es menacé·es
d’expulsion de leurs hébergements au 31 août par le Conseil
départemental.
Personne ne peut être traité ainsi, personne n’est « illégal ». Ces jeunes sont des survivant·es.
Beaucoup ont traversé la Libye, la Méditerranée, l’Italie avant
d’arriver ici et d’essayer d’avoir la vie de jeunes de leur âge. Ils et
elles ont été aidé·es, secouru·es par des personnes que les États
criminalisent pour cela, comme aujourd’hui les capitaines Carola Rackete et Pia Klemp.
Sur l’agglomération d’Orléans, nous sommes un petit groupe
d’enseignant·es qui se mobilise aux côtés des jeunes eux et elles-mêmes et du COJIE, leur collectif de soutien. Depuis plusieurs années pour certain·es d’entre-nous.
Cette injustice « administrative » est flagrante pour les élèves
sans-papiers de nos classes d’accueil et de nos lycées professionnels.
C’est ça le racisme institutionnel.
Dans le texte d’une pétition que nous avons lancé pour appuyer la mobilisation, il nous tenait à cœur de rappeler cela : cette injustice génère pour nos élèves précarité, angoisse, et menace leur intégrité physique et morale. Face à cela, nous réagissons la plupart du temps dans l’urgence. Nos solidarités se heurtent à des situations de plus en plus dramatiques.
Ce n’est pas une posture de principe. C’est ce que
nous voyons dans les regards, les gestes, les postures de nos élèves,
ce que nous entendons dans les mots qu’ils et elles prononcent, dans ce qu’ils et elles nous racontent et nous disent, ce que nous savons de leurs vies (et nous ne savons pas tout).
Aujourd’hui il y a cette mort.
Alors le mercredi 10 juillet prochain, nous marcherons à nouveau. Comme le 15 mai, comme le 15 juin dernier [place de la République à Orléans]. Pour ce jeune qui n’est plus là et pour toutes celles et tous ceux qui doivent vivre.
Théo ROUMIER
30 juin 2019