06 - Alpes-Maritimes

RESF… des sentinelles depuis 20 ans…

RESF06 salue tous les RESF de France et reprend le fil de la communication.

En 2014, nous écrivions ceci :

RESF... des sentinelles depuis 10 ans…

C’est une histoire à peine croyable : Comment, en 2004, la révolte de quelques parents et enseignants scandalisés de l’intrusion de la police venue arrêter des enfants de sans-papiers dans des écoles a provoqué un élan national extraordinaire : des Réseaux Education Sans Frontières créés spontanément dans presque tous les départements, des cercles de silence, des parrainages d’enfants, des comités de vigilance d’écoles, des appels aux politiques, des sit-in en préfecture, des manifs dans les aéroports, des milliers d’heures passées sur les dossiers de régularisation, …
… et surtout une opinion enfin alertée sur des ignominies que le gouvernement et l’administration tentaient de perpétrer dans le silence.

Et tout cela grâce à qui ? Grâce à de simples citoyen·nes de base venus de tous horizons, à titre individuel ou en organisation, vieux routiers de la militance ou découvrant l’action collective, réunis dans un mouvement informel sans chefs et sans budget. Ils ont tissé des liens avec le monde entier vivant et travaillant dans leur rue et ont peu à peu acquis une expertise sur le terrain, Et c’est ainsi qu’on réussit à scolariser des enfants, à faire libérer des innocents, à réunir des familles écartelées, à empêcher des expulsions, …

Et tout cela pourquoi ? Parce que nous ne supportons plus une société qui exclue, qui humilie, qui divise, qui détourne l’esprit des lois, qui criminalise des innocents, qui barre la route à des jeunes pleins d’espoir.
Nous voulons d’un pays à la hauteur du rêve des Droits humains enfin respectés, qui n’oublie pas qu’il s’est construit et défendu sur tant d’étrangers dont nous sommes issus.

Avec RESF, nous retrouvons le pouvoir d’agir.

Dans notre département, souvenez-vous de nos cérémonies de parrainages, de notre colère manifestée au Palais de Justice et à la préfecture ; de nos manifs dans les divers quartiers ; de nos cercles de silence à Nice, Cannes, Grasse, Vence, Mouans Sartoux, Antibes, Menton ; de nos actions à la frontière ; de nos occupations de la « Maison Blanche » et du « Clémenceau » ; de notre mobilisation victorieuse pour la petite Véa en plein été ;

Sur la prom pour Vea août 2009
Cercle de silence 8 mai 2012

de la bataille pour la scolarisation des enfants roms ; de notre soutien aux jeunes mineurs face à la mauvaise prise en charge par le Conseil Général…
… sans compter l’accompagnement quotidien dans le labyrinthe des démarches (hébergement, santé, scolarisation, nourriture, courrier, apprentissage de la langue …)
Parti·es à 12 en 2005, en quelques années, nous nous sommes retrouvé·es 500 sur une liste d’urgence, chacun-·e s’investissant dans les tâches de son choix, un peu, beaucoup, passionnément, à la folie….

« Vous êtes des sentinelles. Tenez bon » nous a dit Christiane Taubira, participant à l’un de nos cercles de silence.

Oui, nous sommes des sentinelles qui avons réussi à faire supprimer la loi contre les personnes qui accueillent des sans-papiers en nous déclarant tous « délinquants solidaires ».

Oui, nous sommes des sentinelles qui alertons du danger que court notre démocratie en attisant les haines et les rancœurs. Nous dénonçons les centres de rétention où l’on enferme sur simple décision administrative - sans juge - des gens n’ayant commis aucun délit. Nous dénonçons le système européen FRONTEX qui prétend empêcher les migrants d’atteindre nos côtes et qui laisse les désespérés se noyer. Système hypocrite, coûteux et inefficace.

Oui, nous sommes des sentinelles pour faire comprendre à nos concitoyens que la santé des migrants, c’est aussi notre santé ; que l’équilibre des enfants des demandeurs d’asile rejaillit sur les nôtres ; que les idées xénophobes sont mortelles pour notre liberté.

Alors, c’est presque gagné ? Eh bien, non ! Après l’espoir de vrai changement en mai 2012, certain·es d’entre nous ont pu croire que le harcèlement allait cesser, qu’une vraie politique d’intégration allait se mettre en place. Une bouffée d’oxygène ? Hélas, à part quelques aménagements de textes de loi inextricables, un assouplissement pour les étudiants et pour les rétentions d’enfants (il y en a encore malgré les annonces), nous nous heurtons toujours à des freins pour les régularisations de familles installées avec enfants scolarisés, aux problèmes d’accueil en préfecture, à des refus pour l’hébergement que la loi accorde normalement aux demandeurs d’asile.

Nous réclamons toujours certaines mesures qui auraient pu facilement être prises immédiatement comme la suppression des tests osseux dénoncés par toute la communauté scientifique, la réduction des taxes exorbitantes exigées pour toute délivrance de titres de séjour, l’autorisation de travail pour les demandeurs d’asile, la suppression de la liste des « pays sûrs » qui ne correspond pas à la réalité.

Les politiques qui nous soutenaient quand ils étaient dans l’opposition se font bien discrets, à part quelques-uns.
Nos nombreuses lettres au Président de la République, aux ministres, au préfet, sont restées sans réponse satisfaisante. Pire, les déclarations intempestives contre les Roms sont de nature à faire oublier que l’on a affaire à des êtres humains. Triste rappel d’une Histoire qui devrait servir de leçon…
Certains se découragent, déçus par les promesses non tenues, mais Desmond Tutu ne nous a-t-il pas dit : « Si tu es neutre en situation d’injustice, alors tu as choisi le côté de l’oppresseur ! ». Il nous faut ranimer notre force de conviction pour impulser de nouvelles actions, mieux utiliser les forces syndicales et associatives pour lutter contre la désinformation qui sévit toujours, obtenir de ce gouvernement qu’il s’engage courageusement dans une politique ayant une vision humaine et efficace de la circulation des populations en France et en Europe.
“ Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. En fait, c’est ainsi que cela s’est toujours passé ” nous a dit Margaret Mead.
Nous continuerons à être des sentinelles qui crient pour forcer le désert à fleurir.
RESF 06 – juin 2014

… et nous voici en 2024 :

Et encore 10 ans ont passé depuis cette rétrospective !

Nous n’avions pas pris le temps de partager des nouvelles sur cette page mais nous allons essayer de le faire…

Car nous sommes toujours là… nous avons subi des deuils douloureux de camarades. Nous avons accueilli des forces neuves. Nous continuons d’accompagner des enfants et des familles, des jeunes isolé.es… Nous continuons à crier, dénoncer, expliquer, offrir des espaces de vie, de repos et de culture…

Nous sommes toujours là car l’étau des lois liberticides se resserre.
Nous tenons bon dans ce département terriblement gangréné par les xénophobes, avec les exactions commises à la frontière franco-italienne, avec les mineurs abandonné.es par les institutions chargées de les protéger…
Et savoir ce qu’arrivent à faire les groupes RESF des autres départements est un réconfort et un aiguillon.

L’équipe RESF 06