38 - Isère

Revendications portées par l’intersyndicale Enfants migrant.e.s ? A l’école ! (PAS, CNT, CGT, FSU et SUD)

Revendications portées par l’intersyndicale Enfants migrant.e.s ? A l’école !

(PAS, CNT, CGT, FSU et SUD)

Introduction  :

L’intersyndicale (PAS, CNT, CGT, FSU et SUD) a organisé trois stages sur les élèves migrant.e.s, en avril 2015, en juin 2016, qui ont réuni de nombreux collègues, puis en mai 2019 où nous étions plus de 150, pour faire un état des lieux des conditions d’accueil et de scolarisation de ces enfants dans l’Education Nationale.

 Nous sommes très préoccupé.e.s par le sort des enfants migrant.e.s, en âge d’être scolarisé.e.s et vivant dans des conditions de très grande précarité (habitat précaire et insalubre, très faibles ressources voire absence de ressources, difficultés d’accès aux soins et à l’hygiène, aux transports, à une alimentation régulière, etc...). Alors que l’école doit accueillir sans condition (quelle que soit la situation administrative des parents) tout.e élève en âge d’être scolarisé.e, alors qu’elle constitue pour ces enfants aux vies déjà bien abîmées une source de stabilité et de repères, nous recensons des situations récurrentes et de plus en plus fréquentes de discriminations liées au non respect du droit à l’éducation : par le refus d’accès aux droits élémentaires qui impactent la scolarisation (on peut suivre l’école et apprendre si l’on bénéficie de conditions de vie stables et dignes), par l’opacité des démarches d’accès à l’école pour les familles, par les refus de scolarisation et les attentes d’affectation infondées, par la non mise à disposition des moyens nécessaires à un accueil des enfants migrant.e.s et de leur famille dans des conditions satisfaisantes, à hauteur des besoins recensés sur le terrain.

 Il y a urgence à mettre en place des mesures concrètes pour que le droit à l’éducation pour tou.te.s, à égalité, soit respecté.

1- Sur le respect de l’obligation scolaire

Pour le second degré : délais d’attente injustifiés, de plusieurs mois, entre le passage au CIO pour être bilanté.e et l’affectation. Alors que la circulaire fixe un délai maximum d’attente d’un mois.

 Ce temps d’attente est en plus invisibilisé car les élèves et leurs familles n’ont aucune information sur ce qui va se passer, aucun lieu où aller trouver les renseignements alors que bien souvent elles ne connaissent pas le fonctionnement de l’administration et n’ont aucun repère et qu’elles ne maîtrisent parfois pas le français. C’est aussi du temps précieux perdu pour la scolarité des enfants.

Nos revendications :

 avoir l’assurance d’un traitement égal de tou.te.s les enfants en âge d’être scolarisé.e.s, notamment migrant.e.s et en situation de grande précarité en garantissant la mise à disposition des moyens nécessaires pour répondre aux besoins spécifiques recensés

 que nous soit communiqué le nombre d’élèves recensé.e.s en attente d’affectation pour le premier et le second degré

 être informé.e.s de ce que fait la DASEN lorsqu’elle a connaissance de refus de scolarisation, d’attentes d’affectation injustifiées : quels moyens sont mis en œuvre ? Quels liens la DASEN entretient-elle avec les mairies, notamment de l’agglomération, à ce sujet ?

 scolariser le plus rapidement possible, le plus près possible de leur domicile et dans les délais autorisés les élèves arrivant.e.s en soutenant par des aides concrètes, matérielles et humaines, les équipes accueillant ces élèves en nombre

 assurer le traitement pendant l’été des dossiers des élèves arrivé.e.s durant l’été afin qu’ils et elles puissent faire leur rentrée avec tou.te.s les autres élèves

 mettre en place des structures assurant une médiation scolaire, en partenariat collectivités locales/éducation nationale : pour accueillir les élèves migrant.e.s et leurs familles dès leur arrivée, les accompagner dans les démarches et les introduire dans les écoles et établissements scolaires ; pour s’assurer d’une scolarisation la plus rapide possible ; pour éviter les déscolarisations en cas de changements brutaux : expulsions, déménagements... ou liés au passage du premier au second degré.

Les associations ne peuvent à elles seules jouer ce rôle de médiation scolaire, c’est aux pouvoirs publics de faire respecter l’obligation scolaire et de s’en donner les moyens.

 la création d’un poste de personne référente et ressource à la DSDEN

 pour le second degré, délivrer systématiquement un récépissé lors de la première prise de contact au CIO pour que les parents puissent faire valoir leurs droits en cas de délai d’attente injustifié.

2- Sur la scolarisation des jeunes migrant.e.s isolé.e.s

Des jeunes migrant.e.s isolé.e.s attendent parfois plusieurs mois, après avoir été bilanté.e.s par le CIO, d’être affecté.e.s dans des établissements pour démarrer leur scolarité. D’autres, sous prétexte qu’ils/elles ne seraient peut-être pas mineur.e.s, ne sont pas bilanté.e.s par le CIO tant que leur minorité n’est pas démontrée (par le recours à des méthodes parfois indignes : tests osseux, enquête policière violente et humiliante...).

Nous sommes choqué.e.s par le non respect de la présomption de minorité par l’Education Nationale et les refus d’accès au bilan CIO. . 

Nos revendications :

 assurer un égal accès aux droits des jeunes migrant.e.s isolé.e.s dans les CIO concernant l’accueil, le positionnement et l’affectation

 respecter la présomption de minorité et donner l’accès au bilan CIO à tou.te.s les jeunes mineur.e.s dès leur arrivée en leur délivrant systématiquement un récépissé

 scolariser les jeunes dans le délai d’un mois maximum suite au bilan CIO

 assurer l’hébergement de tou.te.s les jeunes scolarisé.e.s à la rue dans les internats de lycée

 mettre en place une coordination entre les services de l’aide sociale à l’enfance et de l’éducation nationale pour empêcher les ruptures brutales dans les parcours scolaires (possibilité de refuser de changer de département ?)

 pour favoriser les demandes de régularisation à 18 ans, assurer aux jeunes migrant.e.s isolé.e.s 6 mois de formation professionnalisantes avant leur majorité et rendre professionnalisantes qualifiantes les formations auxquelles ils/elles ont déjà droit (UPE2A, MLDS, J2A...)

 attribuer à chaque jeune un responsable légal identifiable et joignable qui assure son suivi en préparant notamment l’arrivée à la majorité

 accorder de la souplesse dans les demandes de bourses scolaires afin qu’elles puissent être faites toute l’année (prise en compte du temps nécessaire pour réunir les pièces nécessaires à la constitution des dossiers ainsi que des arrivées en cours d’année)

 supprimer le fichage biométrique des des jeunes au moment des évaluations de minorité

3- Sur les moyens attribués à l’accueil et la scolarisation des élèves migrant.e.s et non francophones

 Alors que les besoins concernant l’accueil et la scolarisation des enfants migrant.e.s, non francophones et précaires augmentent, on assiste à un saupoudrage de dispositifs pas du tout à la hauteur pour accueillir ces élèves, la plupart du temps déjà fragilisé.e.s par leurs conditions de vie, dans des conditions décentes si tel est le projet dans l’éducation nationale.

 Les nombreux collègues qui ont assisté au stage intersyndical sur les enfants migrant.e.s à l’école nous font remonter des constats inquiétants :

Pour le premier degré : alors qu’une circulaire nationale prévoit la prise en charge pédagogique par l’UPE2A d’un enseignement intensif du français de 9h hebdomadaire minimum par élève, la moyenne des prises en charge réalisées par les collègues est de 1 à 2h par semaine. De plus, certaines écoles ne bénéficient pas du tout des prises en charges auxquelles ont droits leurs élèves allophones ou seulement pour une partie de l’année ou une partie de leurs élèves du fait notamment du non remplacement de collègues itinérantes UPE2A absentes et du non complément des collègues à temps partiel.

Les 3 UPE2A 2 jours/2 jours obligent les élèves à changer d’école au milieu de la semaine. Cette situation rend difficile leur intégration à un groupe scolaire, rend impossible le lien avec les familles et multiplie les risques de déscolarisation.

De plus, de nombreuses classes de maternelles sont composées d’un nombre grandissant d’élèves allophones, pouvant même atteindre jusqu’à 60 % de l’effectif de la classe, alors qu’elles ne bénéficient pas du dispositif UPE2A : l’enseignant.e de classe ordinaire se trouve donc face à un public hétérogène et à des élèves ayant des besoins en FLS qu’il/elle n’a pas été formé.e à prendre en charge.

 Pour le second degré : la moitié des élèves non francophones actuellement pris.e.s en charge en UPE2A ont un niveau scolaire cycle 2. Une prise en charge de deux années au moins est indispensable pour pouvoir entrer dans le français langue de scolarisation et acquérir le palier 2. Or cette deuxième année de prise en charge de 6 heures en FLS a été supprimée à la rentrée 2015.

Nos revendications :

 avoir un bilan du nombre d’heures de prise en charge par élève non francophones ainsi que du nombre d’enfants non pris.e.s en charge

 augmenter le nombre de postes UPE2A afin de couvrir les besoins mais sans redéploiement des moyens. Les deux ouvertures prévues les 2 années précédentes (les saules, Échirolles) n’ont pas eu lieu.

 assurer la prise en charge UPE2A de tou.te.s les élèves non francophones dès la maternelle et ce pendant 2 ans

 doter les classes ayant un nombre important d’élèves allophones d’un.e co-enseignant.e qualifié.e en didactique du FLE et FLS.

 assurer la prise en charge des frais de déplacements des collègues itinérant.e.s UPE2A avec une lisibilité des critères

 faire pression sur les mairies pour qu’elles créent des lignes budgétaires spécifiques pour les enseignant.e.s itinérant.e.s UPE2A pour l’achat de matériel et d’outils.

 équiper en matériel tou.te.s les enseignant.e.s aussi bien en manuels, livres, dictionnaires bilingues et jeux adaptés, qu’en outils informatiques dotés d’internet, indispensables pour faciliter la communication avec ces élèves allophones et leur accueil via les images et les traductions.

 inclure en classe ordinaire les élèves non francophones dans l’école où ils/elles bénéficient de l’UPE2A 2 jours

 diminuer le nombre d’élèves par classe afin de rendre possibles la différenciation et la prise en compte des besoins spécifiques de chacun.e.

 autoriser les équipes pédagogiques à une souplesse nécessaire dans l’accueil des élèves allophones (accès à la classe de CP pour apprendre à lire même aux élèves affecté.e.s dans les classes supérieures par exemple).

 dans l’attente, assurer et financer le transport en taxi et la cantine pour les élèves pris.e.s en charge en UPE2A 2j/2j

 avoir un bilan de l’expérimentation UPE2A 2j/2j depuis sa création.

 assurer l’accès à un bilan médical réalisé par un.e médecin scolaire à tou.te.s les élèves migrant.e.s à leur arrivée

 renforcer le nombre de médecins, d’infirmier.e.s, de psychologues scolaires, de RASED et créer les postes d’AS nécessaires pour le suivi des élèves dont il est question

 assurer une prise en charge rapide du handicap des élèves allophones concerné.e.s (orientation, attribution d’AESH)

 assurer le remplacement des enseignant.e.s UPE2A absent.e.s, en arrêt maladie, et en congés divers pour ne pas complètement priver les élèves allophones du soutien dont ils/elles ont besoin.

 pour le second degré, alimenter les fonds sociaux (rectorat) pour les établissements porteurs d’UPE2A, pour l’achat de matériel, la prise en charge des frais de transport et cantine.

 pour le second degré, doter systématiquement les UPE2A d’un.e assistant.e. pédagogique collective formé.e et doté.e d’un statut d’AED, moins précaire que les contrats aidés.

 pour le second degré, remettre en place le comité de pilotage réunissant tou.te.s les enseignant.e.s UPE2A sur le temps de travail

 pour le second degré, proposer aux élèves arrivant un véritable bilan CIO individualisé et communiquer avec transparence aux enseignant.e.s qui les accueillent le parcours qui les amène en UPE2A

 former les collègues AS à la mise en place de procédures DAHO

4- Sur la formation des enseignant.e.s de classe ordinaires accueillant des élèves migrant.e.s

 Nombre de collègues se disent parfois démuni.e.s professionnellement et pédagogiquement lorsqu’ils/elles doivent accueillir des élèves migrant.e.s, qui plus est lorsqu’ils/elles sont en situation de grande précarité. Le souhait est pourtant de pouvoir les accueillir dans les meilleures conditions possibles et leur permettre d’apprendre et progresser dans un climat de classe et d’école favorable à leur présence et leur épanouissement.

 Le manque de proposition de formation institutionnelle est criant alors que les besoins se font sentir. Cependant la formation continue ne saurait suffire. Pour appréhender et comprendre les situations parfois critiques dans lesquelles se trouvent les élèves migrant.e.s et leurs familles et afin d’agir au mieux pour les soutenir, les échanges et la co-formation entre collègues sur les plans pédagogiques, syndicaux et militants sont aussi indispensables.

Nos revendications :

 porter à la connaissance de tou.te.s les collègues les formations dispensées par le CASNAV contenues dans le Plan Académique de Formation et les ouvrir à tou.te.s les collègues du premier degré

 assurer systématiquement les remplacements des collègues qui souhaitent participer à ces formations

 diffuser à tou.te.s les collègues l’information de l’existence du CASNAV et des ressources qu’il met à disposition

 Inscrire la formation allophonie dans le cadre des 9h en présentiel obtenus de droit.

 outre les formations, doter les enseignant.e.s d’outils (fiches et livrets) leur indiquant les démarches et les contacts qui faciliteront leur accueil des élèves : où trouver des traducteur/rice ;s pour les familles, quels outils acheter et utiliser, où les trouver, quels sont les autres interlocuteur/rice.s (associations, travailleur/euse.s sociaux) à contacter, comment...

5- Sur l’enquête sur les Élèves Allophones Nouvellement Arrivés (EANA)

 Les collègues enseignant.e.s en UPE2A sont sollicité.e.s pour renseigner l’enquête de la DEPP (enquêtes et prospective de l’EN) sur les enfants à besoins éducatifs particuliers que sont les Élèves Allophones Nouvellement Arrivés.

 Nous n’en contestons pas l’existence si elle ne contient que des données anonymes. Or l’administration avait fait pression pour que les données recueillies soient nominatives alors même que le guide utilisateur de l’application autorise à renseigner les données de manière anonyme :

« L’identité de l’élève (nom et prénom) n’est demandée que pour permettre de repérer les doublons lors de la saisie. Le nom peut être renseigné avec un n° d’inscription ou avec les premières lettres du nom seulement (dans ce cas : attention aux doublons). »

 Nous ne voulons pas nous rendre acteurs/actrices d’un fichage d’une catégorie (sensible) de la population à partir de données intrusives et nominatives : sur la langue parlée, sur la date de 1ère scolarisation en France et sur les dates d’entrée et de sortie des dispositifs d’aide UPE2A et ce sans que les parents n’en soient informés ni n’aient accès aux données.

 Nous sommes d’autant plus inquièt.e.s que nous avons aussi été averti.e.s par des avocat.e.s que l’article 48 de la loi sur les « Droits des étrangers en France » adoptée en mars 2016 permet aux préfectures, dans le cadre de l’examen des demandes de titre de séjour, d’accéder aux informations détenues par les établissements scolaires afin de contrôler les déclarations et pièces produites.

 Il est nécessaire de s’opposer à l’accès de la préfecture à des données sensibles car l’Education Nationale se doit de ne pas mettre en péril, par le recours au fichage, le droit à l’éducation sans condition pour tou.te.s ses élèves.

Nos revendications :

 arrêter d’exiger des collègues des données non anonymées qui plus est non prévues par les textes

 arrêter de recourir au recensement et au stockage de données sensibles et non anonymées concernant des élèves

 informer les familles de l’existence de ce fichage et de leurs droits à accéder aux données enregistrées concernant leurs enfants et à les rectifier comme le prévoit la loi informatique et libertés

6- Sur les mesures de protection de l’enfance qui conditionnent le respect du droit à l’éducation :

Nos revendications :

Face à l’Etat et autres hébergeurs (collectivités locales et associations) :

 faire respecter l’inconditionnalité et la continuité de l’hébergement en s’assurant qu’il n’y ait pas d’expulsion de familles d’un squat, bidonville, hôtel, hébergement d’urgence, CADA, etc... sans relogement

Face aux municipalités parfois via la métro :

 faire respecter l’obligation de scolarité et le droit à l’éducation en :

* mettant en œuvre les moyens nécessaires pour que tou.te.s les enfants et les jeunes résidant sur le territoire de la commune/métro, notamment habitant.e.s de squats, bidonvilles, dispositif hivernal et hôtels soient bien scolarisé.e.s et sans délais d’attente injustifiés (mise en place de structures de médiation scolaire)

* s’assurant qu’il n’y ait pas de rupture de scolarité suite à des expulsions, des changements de lieux de vie et/ou à cause de difficultés d’accès (éloignement, transports)

Face au Conseil Départemental :

 Assurer la protection de l’enfance sans conditions en :

* attribuant des assistant.e.s sociaux/les de droit commun (et non pas d’un service dédié) sans délais d’attente aux familles

* rétablissant les aides financières aux familles en grande précarité sans discrimination

* en hébergeant tou.te.s les enfants mineur.e.s et leurs familles lorsque ceux-ci se trouvent à la rue

* en reconnaissant la présomption de minorité et en prenant en charge sans délai les mineur.e.s isolé.e.s par le biais de l’Aide Sociale à l’Enfance.