"Sin Nombre", de Cary Fukunaga

Distributeur : Diaphana Distribution

Sortie en salle : 21 Octobre 2009

Sélection officielle Festival du cinéma américain de Deauville 2009 - En compétition

Quelques semaines après le documentaire de Christian Poveda, ’La Vida loca’, Cary Fukunaga s’intéresse à son tour à la Mara. Ces guerres de gangs, cette violence tatouée n’auraient pu être qu’un ressort dramatique, un contexte dans lequel faire évoluer une histoire. Le réalisateur porte un tel soin à montrer, expliquer, sentir ses personnages et leurs trajectoires que l’introduction de ce ’Sin nombre’ se transforme en une frappante immersion au sein du gang salvadorien. Rapidement, l’ambiance oppressante laisse place aux grands espaces qu’offre la fuite au personnage principal. La réussite de Cary Fukunaga tient en cette division en deux parties, l’une consacrée aux gangs, l’autre à l’émigration, parfaitement unifiées par l’opposition entre la violence et le désir d’ailleurs. Sur le toit d’un train, les destins des candidats à l’immigration de toute l’Amérique latine se croisent. On ne sait rien de chacun. Simplement leur condition collective : même s’ils sont soumis au danger, à la violence des pilleurs, l’espoir les tient debout, prêts à vivre une nouvelle vie. La noirceur des visages de la Mara a beau faire place à la lumière éclatante des paysages du Mexique, Cary Fukunaga filme la même détermination. Maîtrise du cadre et comédiens plus que convaincants, ’Sin nombre’ est un drame poignant et réfléchi, qui se penche sur les aspects méconnus de l’immigration latino-américaine.

Tatoués, burinés ou salis, les visages filmés par Cary Fukunaga dans ’Sin nombre’ révèlent des facettes insoupçonnées de l’immigration latino-américaine. Entre guerre des gangs et solidarité, violence et espoir, le réalisateur nous invite à un voyage singulier. Et pluriel.

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Cary Joji Fukunaga
, puisque tel est son nom complet (et complexe, d’origine japonaise et suédoise), est jeune, enthousiaste et optimiste. Surprenant quand, alors que l’on sort bouleversé de la projection de ’

Sin nombre
’, on s’attend plus à rencontrer un globe-trotter qui a roulé sa bosse. Malgré ses airs de premier de la classe (il parle français après avoir étudié à Sciences po Grenoble), le réalisateur ne s’en révèle pas moins impliqué, engagé, concerné par les questions traitant de l’immigration. La rencontre a lieu à

Deauville
, quelques jours après la mort de

Christian Poveda
, quelques semaines avant l’expulsion des clandestins de Calais. ’Sin nombre’ rapproche ces deux actualités que l’on pense éloignées et frappe fort.

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Votre film s’intéresse aux gangs de la Mara et à l’immigration. Lequel de ces deux sujets a été votre point de départ ?

Au départ, je m’intéressais aux immigrants. C’est en faisant mes recherches que je suis entré dans le monde de la Mara pour bien comprendre les dynamiques entre les passeurs, les trajectoires et les gangs qui détiennent ces territoires. L’immigration est très lucrative pour eux, puisqu’ils imposent des taxes aux passeurs. La mainmise sur un territoire devient un enjeu très important à l’origine de toute cette violence entre les gangs pour conserver leur domination.

De manière assez inhabituelle, vous montrez une immigration latino-américaine plutôt que strictement mexicaine, comme c’est plus souvent le cas. Qu’est-ce qui vous a poussé à élargir le sujet ?

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J’ai fait un court métrage, ’Victoria para Chino’, basé sur l’histoire, réelle, d’immigrés abandonnés dans un camion. Il y avait 20 morts sur 80. J’ai fait ce court métrage pour que cette histoire ne soit pas oubliée. En étudiant le sujet, j’ai découvert que les immigrants qui viennent d’Amérique centrale traversaient le Mexique en voyageant sur les toits des trains. Je ne savais pas que ça se passait dans ces conditions, et j’ai été choqué. C’est logique pourtant, mais je n’avais pas pensé que ces gens étaient déjà clandestins en entrant au Mexique. Cela fait partie du monde de l’immigration et c’est un aspect qui n’est traité ni par les médias, ni par les documentaires.

Justement, pourquoi avoir choisi la fiction plutôt que le documentaire ?

Il y a trois raisons. D’abord, pour l’histoire. Quand on réalise un documentaire, on n’est pas maître de l’histoire, on va où cela nous mène, on n’a pas le choix, c’est l’histoire qui dicte tout. Ensuite, parce que même si les documentaires sont souvent plus forts, du fait de leur lien avec le réel, ils ont moins de succès. Or je voulais que mon film soit vu par beaucoup. Et enfin, je suis très très paresseux, et un documentaire, ça prend des années !

Comment avez-vous mené votre enquête ? Comme un journaliste ?

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Oui, c’est exactement ça. C’était un travail académique et journalistique. Avant d’y ajouter une histoire personnelle. Je suis allé sur place, en compagnie d’amis avec qui j’avais fait mon court métrage. Nous avons rencontré les chefs de sécurité, nous sommes allés en prison, dans les auberges avec les immigrants, les églises, les gares de marchandises... Il faut y aller, on ne peut pas se contenter de lire la presse. Les médias sont orientés, recherchent le sensationnel. Avec seulement ces articles en tête, je m’attendais à trouver un pays en guerre. C’est beaucoup plus complexe que ça parce que la violence est cachée. On ne la voit pas. C’est une ville normale, mais si on croit ce qui se dit dans le journal, la violence et les gangs sont partout, les fusillades ont lieu dans la rue tous les jours. Mais ce n’est pas comme ça.

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