À l’attention de Monsieur le Préfet du Morbihan,
Monsieur,
Nous nous permettons d’attirer votre attention sur la situation de la famille Ramaj, dont deux des enfants sont scolarisés dans l’école Calmette à Vannes.
Elton et Vonessa sont arrivés d’Albanie en France en 2016, avec leurs enfants, Elva, Amla et Klejsi, qui n’avait alors que quelques mois. Fuyant la misère de leur pays et des menaces de mort pesant sur Elton (son père a été assassiné), le couple espérait trouver en France un asile : ils l’ont effectivement obtenu dans un premier temps, le CADA mettant à leur disposition un logement, une avocate défendant leurs droits, des enseignants et des parents leur réservant un bon accueil.
Mais la situation a changé depuis qu’ils ont reçu une obligation de quitter le territoire français et qu’ils ont dû rendre leur logement : la famille est désormais séparée durant la nuit, la maman et ses enfants sont logés dans un mobil-home, dont ils sont mis à la porte le matin à 7 heures. Le père doit trouver chaque soir un logement de fortune. Si les deux aînées sont scolarisées, les parents et le petit dernier, qui aura trois ans seulement le 15 février, sont littéralement à la rue, errent toute la journée dans Vannes et n’ont aucun abri, aucune protection contre le froid hivernal : au-delà des conséquences sur la santé de la maman et le bon développement de l’enfant, vous conviendrez également avec nous de la difficulté pour elle de continuer à prendre des cours de français dans ces conditions – la fatigue, le froid, un enfant en bas-âge qu’elle doit veiller seule.
Devant cette situation qui nous a paru particulièrement indigne (des enfants à la rue la journée, un accueil de nuit précaire, l’absence d’avenir, la peur au quotidien, une expulsion de logement fin janvier, le non-respect de la trêve hivernale pour les migrants), nous, parents de l’école Calmette, faisons appel à votre bienveillance, afin d’aider et de donner toutes ses chances à une famille méritante et qui a déjà fait la moitié du chemin de l’intégration : les deux aînées sont scolarisées depuis leur arrivée sur Vannes, elles parlent parfaitement le français et ont un bon niveau scolaire, qui leur permet de suivre aisément les cours, respectivement en CE2 et en CE1. Vives et enjouées, comme toutes les petites filles de leur âge, elles ont su se faire des amis et tisser ce lien social nécessaire à la construction de soi, à la confiance en soi.
Comme leurs enfants, Monsieur et Madame Ramaj montrent une réelle volonté de s’intégrer : ils souhaitent apprendre le français et trouver un travail pour subvenir aux besoins de leur famille. Elton est maçon, vous n’êtes pas sans savoir que le Morbihan connaît une pénurie de maçons, et certaines entreprises locales se proposent déjà d’employer une personne travailleuse et sérieuse. Les parents sont par ailleurs déjà parfaitement intégrés à la vie de l’école et aux activités extra-scolaires.
Un réexamen de leur dossier par vos services et un hébergement, au minimum jusqu’aux vacances d’été, afin que les enfants poursuivent normalement leur scolarité, ne pourraient que parachever ce que cette famille a commencé en faisant ce chemin jusqu’à nous. Nous considérons que la famille Ramaj fait partie de notre communauté scolaire. Les exclure serait un déchirement pour eux, un déchirement pour nous.
Nous vous remercions de l’attention que vous voudrez bien accorder à notre demande et nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, nos respectueuses salutations.
Fait à Vannes, le 5 février 2019