myEurop : L’Europe en BD, épisode #6 avec les sans papiers en Allemagne


 

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Sixième épisode de notre tour d’Europe de la BD : rencontre graphique entre une jeune auteure militante et la communauté des sans papiers à Halle, en Allemagne.

C’est quoi ?

Au pays des lève-tôt est une bande dessinée reportage sur la situation des sans papiers en Allemagne. Paru en février 2014, cet ouvrage de 128 pages est édité par L’Agrume, une maison d’édition spécialisée dans l’illustration contemporaine, dont le catalogue fait la part belle aux auteurs européens, et notamment allemands.

C’est qui ?

Paula Bulling, une jeune auteure allemande. Née en 1986 (28 ans), Paula Bulling s’est d’abord formée à l’École supérieure des Arts Visuels de Burg Giebichenstein, au nord-est de Leipzig. Puis elle a fait ses armes auprès de l’artiste Atak (Georg Barber, de son vrai nom), figure underground de l’illustration européenne, originaire de Berlin-Est.


   © L’Agrume

Où ça en Europe ?

En Allemagne, et plus précisément dans le land de Saxe-Anhalt, surnommé "le pays des lève-tôt" et situé dans le nord-est du pays. L’histoire s’ouvre dans un bar afro. L’auteure vient y boire un Fanta et fumer une clope. Un type de Guinée-Conakry l’aborde et la questionne, surpris de voir une Allemande dans ce repaire d’immigrés africains. C’est le point de départ du voyage que Paula, personnage principal et auteure de la BD, propose au lecteur : l’accompagner dans ses rencontres au sein de la communauté des sans papiers de Halle.

La jeune femme abandonne vite le comptoir du bar pour rejoindre le Zast, l’équivalent allemand des CADA français, ces centres d’hébergements pour les demandeurs d’asile. On y découvre des bâtiments austères, aux allures de "prison qui ne dit pas son nom".

Le récit prend vite une teinte militante, comme lorsque Paula participe à une manifestation à Mersebourg, dans le sud du Land, où est pointée du doigt "l’obligation de résidence" : cette loi allemande entrave la libre circulation des sans papiers, les obligeant à justifier auprès des autorités toute sortie de leur district de résidence. Ou quand l’auteure met en scène la rencontre d’un immigré avec un Allemand, pas méchant mais raciste malgré lui, incapable de s’adresser à l’autre sans l’enfermer dans son rôle d’étranger.


     © L’Agrume

Ce qu’on a aimé

Au pays des lève-tôt est d’abord un bel objet. Le format légèrement allongé (18,5 x 27,5), la seillante et épaisse couverture en couleur et surtout le joli coup de crayon de l’auteure, fait de croquis et aquarelle, en font une BD agréable à lire. Elle est ensuite un acte militant, celui d’une jeune Allemande qui décide de pousser la porte des foyers africains et des centres de rétentions de sa région, pour s’intéresser au cruel quotidien des sans papiers.

Mi-carnet de bord personnel, mi-enquête, comme lorsqu’elle exhume la disparition jamais élucidée d’Azad Hadji, un demandeur d’asile mort en 2009. Plus que les conditions de vie des sans papiers, c’est finalement sa propre aventure militante naissante que l’auteure livre et met en scène, au prix d’un récit un poil autocentré, non exempt d’une forme de naïveté, au détriment parfois de la dimension documentaire. Paula Bulling, pas complétement naïve non plus, relève avec justesse les écueils de l’engagement citoyen, comme lorsqu’un type l’interpelle en manif’, évoquant toutes "ces filles blanches qui font des films sur les pauvres réfugiés noirs" et lui reproche de "produire des images blanches sur des personnes noirs".


Au pays des lève-tôt, de Paula Bulling (traduit de l’allemand par Aurélie Marquer), éditions L’Agrume, 128 pages, 20€.

 

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